Doux souvenirs

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Une mélodie.

Elle était douce. Familière.

Les notes répétitives jouées dans son souvenir couvraient le fracas des vagues que l'on entendait au loin, par-delà la fenêtre.

Au fur et à mesure que ses yeux se fermaient, le bois du sol et des murs de la pièce faisait place aux murs de pierre blancs du conservatoire.

La mélodie au piano, quant à elle, se faisait plus forte. Les rires aussi.

- Tytus, tu joues si bien!

Ses yeux se fermèrent pour de bon. Sa main serrait le drap entre ses doigts.

- Ne dis pas de sottises. Contrairement à toi, j'ai encore beaucoup à apprendre.

- À commencer par la position de tes doigts, jugea Fryderyk. Vois-tu, le pouce est le plus important. Utilise-le plus souvent, au lieu d'utiliser ton autre main ; tu perdras moins de temps.

- C'est difficile... rit-il en tentant de rejouer les mêmes notes de cette façon.

- Veux-tu que je te montre?

- Oui... mais en t'asseyant sur mes genoux. Il faut que je puisse étudier le mouvement de tes mains de près, vois-tu?

- Sur... sur tes genoux...? Mais... bégaya-t-il, le visage rouge.

Tytus lui envoya un sourire confiant.

- Bon... très bien, reprit Fryderyk en sentant toujours ses joues brûler. Mais d'abord, je voudrais fermer la porte à clé... au... au cas où.

Il s'avança vers elle, sortit une clé de sa poche, et s'exécuta.

- L'avantage d'être le fils du directeur du conservatoire, n'est-ce pas? Fit remarquer Tytus.

- Oui... père m'a donné cette clé pour que je puisse m'exercer sans risquer que l'on ne me dérange.

- Il a plutôt eu une bonne idée... sourit l'adolescent en l'attirant vers lui dès qu'il s'était rapproché.

Il l'installa sur ses genoux, tout en l'enlaçant. C'était si agréable de serrer ce corps fin et si chaud contre le sien...

- Montre-moi comment tu joues, Fryderyk.

Celui-ci secoua légèrement la tête, pour se remettre les idées en ordre. Il avait déjà du mal à jouer en public, mais dans cette position, et avec Tytus quasiment collé à lui, c'était encore pire. Il sentait ses bras l'enlacer fermement, ses mains s'accrocher à sa chemise. Il frémit lorsqu'il posa son visage sur son épaule pour regarder le clavier.

- Je... Je ne sais pas quoi jouer.

- Improvise, comme tu le fais souvent.

Comment lui avouer qu'il n'était absolument pas en état d'improviser quoi que ce soit?

- Non... Non, je... voudrais jouer quelque chose que je connais déjà.

- Pourquoi pas "À vous dirai-je maman"? C'est simple.

- Trop simple.

- Alors joue-moi... "Eine kleine nachtmusik".

- Je ne la connais pas par cœur... puis je voudrais jouer quelque chose de plus calme.

- C'est pourtant une musique calme, dans tout le répertoire de Mozart.

La mélodie des sentimentsWhere stories live. Discover now