Black Keys sous les lumières parisiennes

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Chopin but une petite gorgée de vin.

Il n'adorait pas ça, mais il fallait faire bonne figure.

Sa chère et tendre, Amantine Aurore Lucille de Dudevant de son nom, aussi connue sous le pseudonyme de George Sand, avait organisé une réception. Pour quelle raison, il l'ignorait, pour avoir le plaisir de recevoir du monde et de converser, sans doute. Quelque chose qu'il ne comprendrait jamais. Tout ce monde le mettait mal à l'aise...

Il chercha son amante du regard. Il la vit près d'une fenêtre, à discuter avec un groupe de femmes et d'hommes. Il n'osait pas s'immiscer, et encore moins intervenir, aussi préféra-t-il s'éloigner et s'approcher d'une autre fenêtre. Son regard se perdit dans l'étendue citadine qu'il avait devant lui.

Paris resplendissait sous la lumière des lampadaires et des hôtels particuliers. Non loin, le Sacré-Cœur cachait la Lune qui peinait à se faire haute dans le ciel, au milieu du quartier de Montmartre qui s'éveillait pour la nuit. Les rues sous-jacentes étaient presque vides, et bien plus de calèches les traversaient que de passants.

Chopin continuait de les contempler. Il n'aimait pas les rues froides, noires, vides. Peut-être était-il trop peureux... il détestait les rues en foule, mais il redoutait tout autant les rues vides. En fait, il n'aimait pas sortir tout court, surtout pour rien.

Rien que regarder ces rues noires réveillait chez lui une angoisse, et cela malgré la musique et les voix autour de lui qu'il n'entendait déjà plus.

Pour se rassurer, il pensa à Amantine, puis à Franz. Eux n'avaient peur de rien. Eux étaient bien capables de se promener dans les bas-quartiers de Paris, en pleine nuit, et d'y rire.

Il but une grande gorgée de vin, comme si cela allait le rassurer. Puis il se retourna vers la grande salle, et observa longuement les personnes présentes. Il n'avait aucune envie d'aller engager la conversation avec l'une d'entre elles... elles étaient intéressantes, bien sûr, mais que trouveraient-elles d'intéressant chez lui?

Liszt était présent aussi, quelque part à boire ou à charmer des jeunes femmes, sans doute. Il but encore une gorgée de vin. L'on aurait pu croire que Liszt était son inverse, qu'il allait parler sans retenue à chaque personne avec la plus grande aisance, mais en réalité c'était là davantage le portait d'Amantine. Elle pourrait se lier d'amitié avec n'importe qui... Liszt, lui, n'allait engager une conversation qu'avec une personne qu'il jugeait digne de lui. Et ce n'était pas tout le monde qui l'était.

Parfois, il aimerait être comme eux... du moins un peu. Liszt était arrogant, mais au moins il ne s'effaçait pas. Amantine était sans gêne mais elle osait. Quand Liszt enchaînait concert sur concert, lui ne donnait qu'une timide représentation.

Il soupira silencieusement. Il avait bien fait de lui dédier ses Études, il les jouait bien plus que lui devant le grand public.

Il n'était pas facilement gêné, ni timide, pourtant. Il n'aimait seulement pas être le centre de l'attention. Il préférait écouter que parler.

Pour lui, jouer n'était pas fait pour plaire à la foule, pour impressionner, comme le pensait Liszt... non, pour lui, jouer, c'était se retrouver, c'était créer en musique ce que les mots ne pouvait dire.

Maintenant qu'il y pensait... Liszt était vraiment tout sauf poétique!!... Il vendrait sa propre mère contre la faculté de jouer encore plus vite!!

D'ailleurs, où était-il? Maintenant, il voulait absolument lui poser la question.

Il le chercha du regard à son tour, et étonnament, il le trouva assis sur un canapé, à siroter un verre de vin en silence. Ça changeait de la bouteille avec laquelle il avait l'habitude de le voir. Il s'approcha de lui, et ce fut bien la première personne à qui il s'adressa de la soirée, si ce n'est pour faire ses salutations.

La mélodie des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant