La musique de l'esprit

17 1 2
                                    

Des chuchotements. C'est ce qu'il entendit en premier. Puis des légers bruits non loin, comme si l'on ouvrait des tiroirs à la hâte.

Interpellé, Mendelssohn rouvrit les yeux avec paresse, cherchant à comprendre d'où venait un tel bruit au milieu de la nuit. Il jeta un œil près de lui, puis devant lui, où une forme se dessinait dans le noir de la pièce, à peine éclairée par les lumières faibles d'une Lune en croissant et des lampadaires de la rue.

Il se redressa en plissant les yeux, soucieux.

- Robert, c'est toi?... Que fais-tu...?

Celui-ci sursauta, ce qui s'entendit par le bruit du tiroir qu'il avait devant lui. Il se remit aussitôt à fouiller.

- Il est en train de nous regarder... Si je ne retourne pas tous les miroirs de cette chambre, il va réapparaître et nous faire du mal !

- Que racontes-tu...?

- Florestan! Il me parlait d'un article qu'il voulait écrire, mais il voulait dire du mal du requiem de Mozart, alors j'ai refusé et il s'est énervé! Il est parti mais si je ne retourne pas ces miroirs il va revenir!

- Tu as fait un cauchemar... retourne dans le lit.

- Je ne peux pas, pas maintenant, lui dit-il en s'accroupissant pour ouvrir un tiroir du bas. Le reflet... c'est le reflet qu'il cherche, il ne doit pas y avoir de reflets ici !

- Tu ne sais plus ce que tu dis. Allez, viens.

- Et ces notes ne veulent pas se taire! S'emporta-t-il en couvrant ses oreilles de ses mains. Meritis, va dire à ce pianiste d'arrêter de jouer!

- ...Pardon...?

- N'entends-tu pas? Comment peut-on oser jouer du piano au milieu de la nuit! Et si fort!

Un silence s'installa.

- Je n'entends rien...

- Pourtant l'on entend que ça!
Inquiet, Mendelssohn sortit du lit, et s'approcha de lui pour poser sa main sur son épaule.

- Personne n'est en train de jouer, et il n'y a aucun danger dans cette chambre non plus. S'il te plaît, reviens te coucher.

- Comment pourrais-je te croire? Répliqua-t-il en se reculant à son toucher.

- Tu ne me fais pas confiance?

- Je le voudrais, mais tout est de ta faute! Tu ne t'investis pas assez dans ma Compagnie de David! À cause de toi nous sommes tous en danger!

- Robert, je... je ne comprends rien. Tu n'es pas dans ton état normal. Regarde comme tu trembles. Tu as bien pris tes médecines avant de dormir?

- Les médecines... oui, je les ai prises... Eusèbe m'a dit d'en prendre encore plus, comme ça je n'entendrai plus Florestan et ses insultes! Mais ça n'a pas fonctionné! C'était même pire! Il m'a dit que j'étais inutile, que j'étais un pianiste raté, que je ne savais rien faire! Que je n'étais qu'un fardeau pour toi, pour toi et pour ce monde! Que je ne souffrais pas assez à cause de toi, que je vous faisais honte, à Clara et toi ! Mais j'ai voulu argumenter et ça l'a énervé davantage!

Il avait maintenant les larmes aux yeux, les mains sur la tête qu'il avait baissé, et était toujours à genoux.

- R... Robert... c'est faux, enfin...

- Il dit que Clara ne m'aime pas, et que tu n'as aucune réelle affection pour moi ! Que mon nom seul lui fait honte, et que je te fais honte à toi aussi, tu m'utilises!

- Enfin, pourquoi ferais-je une telle chose? J'ai déjà tout ce que je souhaite à moi seul.

Ça sonnait moins arrogant dans son esprit.

La mélodie des sentimentsWhere stories live. Discover now