Sincérité

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- Laisse-moi mettre des tomates dans mon sandwich!

- Cette tomate est à moi ! Pousse-toi !

Réveillé par ces cris, Chopin se leva péniblement de son lit en fronçant les sourcils, ignorant que sa chambre était déjà baignée par le Soleil.

Ne pouvait-il pas avoir du silence? Quand ce n'était pas ses voisins bruyants ou les passants ivres, c'était ces maudits garnements dont il avait la charge...

Il traversa les couloirs, et se rendit jusqu'à la cuisine, sur laquelle il ne se concentra pas, la vue encore embuée de son sommeil. Il regarda les deux enfants en plissants les yeux, et dit d'une voix lasse :

- Allons, que se passe-t-il encore ici?...

- Maurice ne veut pas me laisser la tomate!

- Je l'ai vue en premier!

- Pourquoi diable voulez-vous manger une tomate au déjeuner...? Bâilla-t-il. Quelle heure est-il?

- Il est midi.

Il se figea un instant, et son cœur sembla s'arrêter. Midi?!

- Comment?! Mais pourquoi ne m'avez-vous pas réveillé?! De plus j'ai cette commande qui... ce n'est pas vrai ! Désespéra-t-il en se mettant les mains sur le visage.

Reprenant ses esprits, il se rendit enfin compte de l'état de la cuisine, et faillit faire une autre syncope.

Les meubles étaient couverts de farine et d'œufs cassés, des couverts traînaient sur les tables comme au sol, et bien d'autres éléments sur lequel il n'eut pas le temps s'attarder composaient ce désordre.

- C'est Solange, elle a voulu faire un gâteau! Se justifia Maurice.

- Je ne veux rien savoir! S'emporta-t-il. Sortez, tous les deux!

- Mais on a faim...

- SORTEZ!!

Il obéirent - un peu trop facilement d'ailleurs à sa plus grande surprise - et quittèrent la pièce en grommelant. Chopin attrapa une éponge, qu'il trempa avant d'entreprendre de brosser les dégâts d'un geste éffréné. En voilà un réveil agréable! Il pouvait passer de bons moments avec ces enfants, mais rares étaient les moments où les claques ne se perdaient pas.

Dans le salon, Maurice s'était affalé sur le canapé et regardait le plafond. Sa sœur, elle, fixait la rue à travers la fenêtre, l'air boudeur.

- Ce n'est pas juste, j'ai vraiment faim, avança-t-elle.

- Frédéric est trop sensible. Maman le dit tout le temps.

- Ils s'énèrvent vite, les gens sensibles?

- Oui... ou alors c'est susceptible le mot, je ne sais plus. En tout cas il est trop vite en colère! C'est comme tous nos précepteurs. Il n'y en a aucun de patient ou de drôle.

- Ça doit être les adultes, ils ne savent pas ce qui est drôle. C'est pour ça qu'il leur faut du vin : les amis de maman, ils rient quand ils ont bu beaucoup de vin. Peut-être que Frédéric serait plus drôle s'il en buvait.

- Je crois pas, la dernière fois à Nohant, maman lui en a fait boire pour l'emmener dans sa chambre comme les autres mais il n'a fait que pleurer toute la soirée.

Avant que Solange ne pu répondre quoi que ce soit, des cliquetis provenant de l'entrée les interpella. Ce n'était pas des coups à la porte. Quelqu'un était vraiment en train d'ouvrir la serrure.

- C'est un voleur! S'exclama aussitôt Solange.

Maurice se redressa, l'air lui aussi méfiant.

La mélodie des sentimentsWhere stories live. Discover now