Concert

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Chopin poussa légèrement le rideau pourpre de sa main pour jeter un œil à la salle. Celle-ci se remplissait petit à petit, et des couples principalement venait s'accaparer les fauteuils.

Tout ce monde...

Tremblant légèrement, il se mordit la lèvre. Dire qu'il avait le trac serait un euphémisme.

Et si ce n'était que ça!

Tous ces regards, braqués sur lui... qui le jugeront...

Il sursauta, et lâcha même un léger cri en sentant une main se poser sur son épaule. Lorsqu'il se tourna vers Liszt, il était plus blanc que jamais, et son cœur battait bien trop vite.

- Eh bien! Calme-toi. Ce n'est que moi. Au fait, j'y ai pensé en venant, tu ne m'as même pas dit comment s'était passé ton séjour à Nohant. J'ai reçu une lettre de Pauline me disant qu'elle y avait trouvé le grand amour, je n'ai pas très bien compris... elle a aussi dit qu'elle viendra à Paris, et qu'elle a besoin d'autres cours, je la logerai je pense.

Pourquoi l'informait-il de ça maintenant?!

- Ce n'est pas le moment de parler de ça!! Tu es en retard!!

- Ah, oui, il y avait une jolie jeune femme qui avait un problème avec son billet, je l'ai aidée... en parlant de jolie jeune femme, tu as des nouvelles de Marie? Je n'en ai toujours pas, même la nourrice qui a repris Blandine n'en savait rien. Elle a dû retourner à Nohant. Et j'ai oublié de te raconter ce qu'il s'était réellement passé! J'étais avec une actrice - je ne l'aime pas vraiment mais elle me finance -, et en la voyant elle s'est mise dans une colère noire, elle-

- Franz, je n'en ai rien à faire!

Et comment pouvait-il être si calme?! Il le haïssait, lui et son assurance, lui et son charisme!

En le voyant trembler ainsi, Liszt haussa un sourcil, et le regarda avec plus d'attention.

- Frédéric, tu n'es tout de même pas dans cet état à cause du concert que l'on va donner...!

- Si!!

Il voulait de moquer, car le voit paniquer ainsi lui était totalement incompréhensible et ridicule, mais il sentait que ce n'était pas la chose à faire. Il décida plutôt de le rassurer, et attrapa ses mains pour les enlacer dans les siennes.

- Tu t'en fais pour rien. Ce n'est qu'un concert.

- "Qu'un concert"?! Je ne suis pas propre à donner des concerts, moi que le public intimide, qui me sens asphyxié par ces haleines précipitées, paralysés par ces regards anxieux, muet devant ces visages étrangers! Lâcha-t-il dans un souffle.

- Enfin, calme-toi! Le public ne te fera rien. Il est là pour t'écouter, pour t'admirer. Il ne pourrait être autrement que bienveillant.

- Bienveillant...

- Et je serai là pour t'aider, moi, lui assura-t-il en serrant ses mains dans les siennes et en le regardant dans les yeux. Je pourrai rattraper tes erreurs, prendre les devants. Et si le public t'intimide tant, ne le regarde pas ; concentre-toi sur le clavier, ferme les yeux, ou regarde-moi.

Il plongea ses yeux dans les siens en retour, et sans rien dire de plus, lâcha ses mains pour l'enlacer. Liszt fut surpris un instant, mais finit par sourire en l'enlaçant en retour.

- Je t'aime, lui avoua-t-il, sans trop savoir pourquoi ces mots avaient franchi ses lèvres. Et je suis heureux de réaliser ce concert avec toi. Ce soir nous serons les plus beaux de tout Paris, et nous ferons la plus belles des représentations! De plus, pourquoi cela t'inquiète-t-il autant? Il y a quelques mois, tu avais fait un concert, seul. Et je n'ai pas le souvenir que tu aies été dans cet état.

La mélodie des sentimentsWhere stories live. Discover now