Café

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Le fracas de talons sur le sol, les cris d'un enfant, le rire d'une femme. Comme toujours, les rues parisiennes étaient animées.

Liszt but une gorgée de son chocolat, tout aussi chaud que le soleil qui frappait sur leur tête. Il le trouva trop sucré.

Il leva les yeux de sa tasse pour les poser sur Chopin, qui avait pareillement la sienne à ses lèvres. Il arborait son air pensif et éternellement mélancolique. À quoi pouvait-il penser? Sûrement à une chose triste, au vu de ses yeux en manque de gaieté. Et pourtant il était si beau, ainsi.

- Franz Liszt?

Il eut à peine le temps de tourner la tête vers la femme qui l'interpellait qu'il reçu la claque de sa vie. Elle retentit si fort que tous les regards de ceux installés à la terrasse du café se tournèrent vers lui.

Il se tint la joue, bien trop dans l'incompréhension pour ressentir une quelconque douleur.

- Jamais de ma vie je n'ai connu un homme avec si peu d'honneur!! Oui, vraiment vous n'avez aucune honte! Cela vous plaît de jouer avec le cœur des femmes?!

- ...Plaît-il?

- Ma fille! Elle s'appelle Célestine, mais je suppose que vous ne vous en rappellez-pas! Vous l'avez séduite, lors d'un concert, et vous n'êtes jamais venue la voir par la suite!

Cette femme avait raison. Il ne s'en rappelait absolument pas. Il faut dire qu'en terme de femmes avec lesquelles il avait passé une agréable nuit suite à l'un de ses concerts, et qu'il n'avait plus jamais revu par la suite, la liste - sans mauvais jeu de mot - était longue.

- Et j'en suis bien heureuse!! Continua-t-elle. Vous l'avez dévergondée, lui avez brisé le cœur, brisé son innocence, à ma pauvre Célestine!! Elle n'a que dix-sept ans!! Oui Monsieur, vous n'êtes qu'un monstre, et il m'importe peu que vous soyez connu ou non, mon époux fait partie du gouvernement et il vous renverra dans votre pays dès lors que je l'informerai de votre affreux méfait!!

Chopin, qui était resté silencieux, baissa les yeux comme s'il pouvait ainsi oublier ces dernières paroles. Combien de fois avait-il entendu que la Pologne et les polonais n'avaient aucune raison de se revendiquer comme une nation et un peuple, et que ce qui leur arrivait était bien fait pour eux, voire était la volonté de Dieu même? Combien de fois, à Vienne et à Paris...?

- Messieurs! Excusez-moi, que l'on appelle la Garde nationale! Cette femme est en pleine crise d'hystérie! Cria Liszt autour de lui.

Elle lui asséna une autre claque, à l'autre joue, pour le faire taire. Puis elle tourna les talons, claquant ses escarpins rouges vifs contre le sol avec hautaineté.

Le spectacle étant fini, les clients autour d'eux retournèrent à leur conversation, et Liszt mis sa main sur son autre joue rouge en grimaçant.

- Elle ne t'a pas raté, celle-là, avoua Chopin qui vu son expression neutre, avait décidé de faire comme si rien ne s'était passé.

- Comment pouvais-je savoir que cette fille s'était fait des idées et qu'elle avait une mère hystérique?!

- Ce n'est pas le seul problème. Dix-sept ans... j'avoue que tu as choisis jeune, cette fois.

- Tu crois qu'elle m'en a informé? Si elle me l'avait dit j'aurais refusé! Oh, puis je ne m'en souviens même pas! Si cela se trouve j'étais même ivre.

- Tu n'avais pas embrassé une jeune fille de seize ans il y a quelques mois? À un bal.

- Eh bien, j'ai appris depuis!... Bon sang, cette femme était une vraie furie! Un peu plus et elle me cassait la mâchoire.

La mélodie des sentimentsWhere stories live. Discover now