Épilogue

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J'ai toujours admiré ceux qui arrivent à trouver une raison à tous leurs choix. Ceux qui, à chaque erreur, chaque faux pas, chaque coup du destin, savent qui blâmer, quoi dire pour se justifier Je les ai toujours admirés et je les admire encore aujourd'hui alors que, assise à ce bureau, j'ai le sentiment de devoir conclure ce récit et, d'une manière ou d'une autre, vous expliquer pourquoi il a pris forme en premier lieu.

Vous allez me dire « ne sois pas idiote, tu sais pourquoi tu as pris la plume ». Dans l'absolu, c'est vrai, je le sais. J'attendais que Theo sorte du travail à la Pomme d'Or et j'ai rencontré Alistair Brown qui, en me reconnaissant, a décidé de me parler du groupe de soutien qu'il animait à Poudlard afin d'aider les élèves les plus traumatisés par la bataille qui y avait eu lieu et m'a proposé de venir y témoigner auprès des jeunes qu'il avait pris sous son aile. Puis il a eu l'idée de cet exercice, qu'il nous a soumis, à moi et aux autres bénévoles : mettre des mots sur nos traumatismes et, surtout, des mots sur notre guérison.

Cependant tout résumer à la rencontre d'un psychomage dans un bar en plein cœur de l'hiver, ce serait mentir et les six cahiers que j'ai remplis le prouvent bien. Mr Brown ne nous a jamais demandé de remonter si loin, de mettre à nu tant de blessures. Et ça, la raison qui m'a poussée à le faire, je n'arrive pas à l'identifier.

Sûrement parce qu'il n'y en a pas vraiment. Juste un magma abstrait formé de tout et de rien. De l'envie de me mettre à l'épreuve, de vérifier si, vraiment, la première guerre est derrière moi ou si je n'ai fait que me fourvoyer jusqu'ici. De celle de pouvoir apporter des réponses à Alma quand, le soir, elle s'assoit entre Theo et moi sur le canapé et nous demande pourquoi les choses ne peuvent pas redevenir comme avant. De celle de prouver à Evelyn et à tous les autres enfants du groupe de soutien que, si, je comprends ce qu'ils ressentent malgré leurs regards qui hurlent « n'essaie même pas de me rassurer parce que j'ai regardé la Mort dans les yeux et que je l'ai vue prendre tout ce que j'avais sauf ma vie ». Et de tellement d'autres encore.

Je ne mettrais sans doute jamais le doigt sur celle qui a prévalu pour que je me retrouve un beau jour à étaler neuf ans de ma vie sur du papier, de ce matin de juillet 1973 pour arriver à cette soirée d'avril 1982. Ni même sur celles qui m'ont fait commencer ici et terminer là. C'est vrai, j'aurais pu raconter tellement plus ! Peut-être pas sur mon enfance, toujours noyée dans cette brume de souvenirs indistincts, mais sur la suite. L'après-guerre. La nouvelle guerre. Les allées et venues des uns et des autres. Le retour de ceux qu'on croyait perdus. Les pertes, les mariages, les enfants, les succès, les défaites, l'enchaînement sans fin des jours et des nuits.

Rien ne m'empêche d'arracher cette page et de m'y mettre, d'ailleurs. Ça rendrait sans doute ce récit dans son entièreté moins vain. Mais j'ai mal au poignet et plus de sens à donner à mes pensées. Alors je crois que c'est ici que je vais vous laisser.

Alicia Lancaster


Je sais : c'est tout petit. Un bébé épilogue, et encore. Avec rien de très intéressant à l'intérieur par-dessus le marché. Mais, vous savez, je n'ai jamais vraiment trop réussi à m'en tenir aux plans que je fixais dans ma tête pour cette histoire. Alicia s'est sans doute installée là-haut depuis trop longtemps pour me laisser faire ce que je veux, et c'est ainsi que ses aurevoirs sonnaient le mieux. Elle comme moi, on aurait pu en dire beaucoup plus. Après tout, je sais ce qui arrive à mes personnages après cet épilogue. Je sais même avec précision comment ils ont traversé la seconde guerre des sorciers. J'aurais tout à fait pu le raconter. Sauf que je crois que ça m'aurait ennuyée. J'en ai dit assez et les intrigues laissées ouvertes ont été achevées.

Alors je crois qu'il ne me reste plus qu'à vous remercier. De m'avoir lue, de m'avoir soutenue, de m'avoir partagé vos avis, d'avoir passé ce moment en compagnie de mes personnages. D'avoir donné sa chance à cette histoire, tout simplement. Je sais qu'au premier abord elle fait peur, avec ses 95 chapitres et ses débuts enfantins (je me demande toujours comment mes premiers lecteurs ont réussi à persévérer sans avoir envie de s'enfuir, parce que oh la la, il m'arrive parfois de retrouver des textes de l'époque et c'est pas jojo). Je suis nulle pour les jolis discours touchants, surtout quand je suis moi-même émue, mais LAR a été une part significative de mon chemin à travers l'adolescence et vers le début de la vie adulte. Peut-être que ça se ressent à travers l'évolution des chapitres, de ma conception des personnages, des chemins que j'ai fait emprunter à Alicia (même si on se ressemble très peu, elle et moi). Je ne pourrais pas dire que LAR est l'histoire dont je suis la plus fière (la place revient malheureusement à une autre), mais c'est indéniablement celle qui compte le plus pour moi, celle que je n'oublie jamais quand, parfois, je m'amuse à voir combien de projets j'ai mis sur la table. La terminer, c'est à la fois un aboutissement et une belle promesse pour la suite, celle qui me dit que oui, je suis capable de mener des gros projets à leur terme et pas simplement de petites histoires de quinze petits chapitres. C'est un message de persévérance aussi, je crois. L'idée que même si les premières versions de ce qu'on a écrit ne nous plaisent pas, on peut toujours reprendre, retravailler (et croyez-moi que je vais la relire de a à z un de ces quatre cette histoire, pour lui donner l'uniformité en terme de qualité qu'elle mérite) et finalement mettre le point final tant espéré. Que, oui, évidemment, ça prend du temps et c'est loin d'être toujours une partie de plaisir, mais que c'est possible et que, une fois qu'on a réussi, c'est une fierté immense (et une déchirure, mais ça c'est encore une autre histoire).

Je ne sais pas trop quoi ajouter. Juste merci, merci, merci. Que vous ayez été la première personne à me lire, que vous soyez arrivés la semaine dernière, que vous vous soyez manifestés à tous les chapitres ou encore que vous n'ayez jamais donné signe de vie. Merci d'avoir fait partie de l'aventure. Et à bientôt peut-être pour de nouvelles, que ça soit dans le même univers ou dans d'autres contrées.

Life Always RestartsWhere stories live. Discover now