Chapitre 10 : Au voisinage des moutons

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AVRIL 1974

Peu de jours séparèrent l'étrange apparition de Mrs Lestrange du début des vacances de Pâques. Les élèves à rentrer chez eux pour cette brève semaine de vacances n'étaient pas nombreux mais, afin de découvrir notre nouvelle maison et de rattraper le temps perdu à Noël, Jake, Marly et moi en faisions partie. Déjà que la perspective de passer une semaine à simuler une proximité inexistante avec mes frères et Marly ne m'enchantait pas, le fait que tous mes amis demeurent au château et profitent de ces quelques jours de pause ensemble ne fit qu'accentuer ma mauvaise humeur. James, qui partageait son compartiment avec Sirius et moi, dut passer un bien désagréable voyage, l'aîné des Black tirant une tronche encore moins enthousiaste que la mienne pour une raison que je ne comprenais pas encore.

Sur le quai, on se sépara, chacun rejoignant ses parents et, au loin, je vis Jake faire de même avec le petit frère de Sirius. La situation avait quelque chose d'atrocement ironique et, quand je croisai Regulus en traversant le quai pour rejoindre mes parents, le petit sourire en coin qu'il arborait me montra qu'il partageait mon ressenti.

— Prêts à découvrir notre nouveau château ? s'exclama mon père quand notre famille fut réunie.

— Je m'attends au pire... soupira Jake, désabusé.

Éclatant de rire, mon père attrapa mon bras et celui de Marly pour nous faire transplaner tandis que ma mère s'occupait d'Arthur et de Jake. On atterrit dans un salon très clair, dans lequel j'eus tôt fait de repérer nos meubles. Excité comme un gosse au matin de Noël, mon père entreprit de nous faire découvrir notre nouvelle maison, pas vraiment plus grande que la dernière, mais sans aucun doute plus agréable, avec ses fenêtres qui donnaient soient sur une petite rue tranquille, soit sur la plage. Ma chambre se trouvait au dernier étage, avec vue sur mer, et je ne pus que remercier mes parents de me l'avoir attribuée. Me faisant petit à petit à notre nouveau décor, je passai plusieurs heures à réagencer lit, bureau et commode comme il me plaisait, avant de ranger mes affaires.

Toute occupée que j'étais à jouer les décoratrices d'intérieurs, la soirée se passa plutôt bien mais, dès le lendemain, mes éternels problèmes familiaux reprirent le dessus. En effet, je venais à peine de quitter la salle de bain que je partageais avec Marly afin d'aller prendre mon petit déjeuner que, au premier étage, là où se trouvaient les chambres de mes frères et de mes parents, j'entendis les voix de Jake et d'Arthur qui plaisantaient.

— Tu ne t'es pas trop ennuyé, tout seul ici ? demandait Jake à Arthur.

— Tu parles. Je me suis occupé comme je pouvais. Je pourrais écrire un rapport sur les environs les yeux fermés.

— Et alors ? Quel est votre verdict, inspecteur ?

— Une très grande partie de la faune alentour est composée d'individus à pelage frisé. Je dirais que cela pourrait presque s'appeler une invasion. Il n'y a que le caniche des voisins qui semble avoir échappé au syndrome. Quoique lui aussi a un pelage frisé.

Leurs rires envahirent le palier où je me trouvais avec une légèreté qui aurait dû me mettre de bonne humeur mais qui, à la vérité, me rendis jalouse. Les moments où Arthur se laissait aller à quelques tentatives d'humour étaient si rares que j'en voulus aussitôt à Jake d'avoir eu le droit à cet honneur alors que, même pendant nos vacances chez notre grand-mère, Arthur n'avait pas daigné me l'accorder.

Refroidie, je descendis les marches qui me séparaient du rez-de-chaussée et mangeai rapidement mon petit-déjeuner sous le regard intrigué de ma mère qui lisait le journal face à moi.

— Ça va, ma chérie ? s'enquit-elle.

— Oui, oui. Dis, je peux sortir ?

— Tu as fait ton lit ?

— Oui, mentis-je.

— Alors vas-y.

N'attendant pas plus longtemps, je m'emparai d'un manteau dans le vestibule et quittai la maison au moment même où Marly franchissait la porte de la cuisine.

— Bah qu'est-ce que tu fous ici ? m'apostropha une voix que je ne connaissais que trop bien alors que je m'escrimais contre le portail du jardin. Tu me suis ?

De l'autre côté de la rue, aussi souriant qu'à l'ordinaire, se tenait James. Voyant que je n'arrivais pas à faire glisser le loquet de la grille, il vint m'aider et m'ébouriffa les cheveux avec bonne humeur.

— Je ... Je ne savais même pas que tu vivais ici, lui répondis-je une fois libérée.

— Juste en face ! J'avais bien vu que nous avions de nouveaux voisins, mais je n'aurais jamais deviné que c'étaient tes parents ! Quoi que ton frère est la copie conforme de ton père...

— Tu habites ici depuis longtemps ?

— Ma naissance ! Tu veux que je te fasse découvrir ? Tu ne trouveras pas meilleur guide que moi !

Ma mauvaise humeur du matin désormais oubliée, j'acquiesçai vivement et le suivis alors qu'il s'aventurait plus loin dans notre rue. Avec son entrain naturel, le Maraudeur me montra la plage, déserte à cette époque, la place principale du village, les principales boutiques moldues puis, avec un grand sourire, il déclara :

— Maintenant, passons à la partie la plus intéressante !

— Qui est ?

— Le côté sorcier, bien sûr ! On est loin d'être les seuls du village... Je crois que Tinworth est l'un des villages où vivent le plus de sorciers après Pré-au-Lard, m'apprit-il en s'engouffrant dans une rue bordée de maisons luxueuses. Ici, c'est la maison de Kerry Simpson, le directeur du Département de la Justice Magique. Sa fille Elladora est à Poufsouffle, je ne sais pas si tu la connais.

J'hochai la tête en signe de négation.

— Ça, c'est la maison d'Alastor Maugrey, ou Fol-Œil pour les intimes. Il travaille avec nos parents.

Et il continua son énumération, me montrant la maison des Anderson, des Brown, des Abbot... À un moment, on arriva devant un immense manoir, encore plus grand que celui des Potter qui me paraissait déjà immense. C'était une solide bâtisse en granit presque noir, pourvue de trois étages et d'une terrasse, ainsi que d'un jardin à la taille plutôt exceptionnelle pour une maison de ville. Sans gêne, James poussa le portail et m'invita à le rejoindre.

— Euh... hésitai-je, intimidée par la hauteur de la demeure. Tu es sûr qu'on a le droit ?

— Bien sûr ! C'est à des amis de mes parents. Et puis même, ils ne sont jamais là de toute façon.

— On dirait les manoirs abandonnés dans les contes pour enfants... lâchai-je en m'aventurant dans le jardin pourtant parfaitement entretenu. Qui vit ici ?

— Haley et Edwin Martins.

Leur nom me disait quelque chose mais j'étais incapable de me souvenir pourquoi.

— Ils dirigent le Bureau des Aurors, m'éclaira James devant mon regard perplexe. Et ils font partie des sorciers les plus riches du monde. Mes parents ont fait leurs études avec eux.

Il parut sur le point d'ajouter quelque chose mais se retint au dernier moment et je vis son regard s'attarder sur les balançoires qui oscillaient au gré du vent, à demi cachées par la végétation du jardin.

— Ils ont des enfants ? m'enquis-je en examinant le portique rouillé par les ans.

— Non, répondit James, trop rapidement pour que sa réaction paraisse naturelle. Bon, tu viens ? fit-il en s'éloignant pour regagner la rue.

Son comportement me fit froncer les sourcils mais, trop heureuse de quitter cet endroit qui me fichait la chair de poule, je ne cherchai pas à lui demander des éclaircissements et l'imitai. C'était de toute façon loin d'être la dernière fois que je mettais les pieds chez les Martins...

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