Chapitre 16 : Question et répercussions

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NOVEMBRE 1974

Durant les semaines qui suivirent, Joyce et moi nous rapprochâmes beaucoup. Au travers de joutes verbales semblables à celle que nous avions eue à la bibliothèque, nous apprîmes à nous connaître, nous cerner et, petit à petit nous apprivoiser. En elle, je pus trouver celle sur qui je n'avais jamais mis à la main auparavant : quelqu'un qui ne me questionne pas à propos de Jake, Marly ou Arthur. Depuis son sous-entendu à propos de mon frère lors de notre dispute, Joyce prit en effet à cœur de rester à l'écart des pentes glissantes que représentait la moindre évocation de ma famille au détour d'une conversation. Si, au départ, je prêtai son tact au fait que nous ne nous connaissions que mal, je compris au fil des jours puis des semaines qu'il s'agissait en réalité d'un avertissement silencieux. Elle ne me parlait pas de ma famille ? Je devais lui en être reconnaissante et, jamais au grand jamais, parler de la sienne.

Car, comme je pus aisément le constater en l'observant à son insu pour m'en faire une idée plus précise, elle bannissait de son entourage quiconque se laisser aller à l'interroger sur les dix années qu'elle avait passées chez les Lestrange. Elle détestait à vrai dire tout ce qui pouvait se rapporter à eux, depuis son cousin Ganymede - à qui elle ne parlait pas autrement qu'avec un profond mépris - jusqu'à toute la flopée de Sang-Pur qui garnissaient les bancs de sa maison. Ce qui, autant le dire, réduisait considérablement ses chances de se lier d'amitié avec ses camarades, d'autant plus que, lorsque ce n'était pas elle qui les fuyait, c'était eux qui prenaient peur face à son nom de famille. Effectivement, sans que je ne puisse m'expliquer pourquoi, le nom de Martins suffisait à faire de Joyce une pestiférée aux yeux de beaucoup d'élèves de Poudlard. Mais, sachant que la mère d'Angel se mettait à trembler pour peu qu'elle lise un article à propos de sa famille, ce n'était guère étonnant.

Ainsi, Joyce ne fréquentait pas grand monde. Ses repas, elle les prenait aux côtés de Dorcas Meadowes, une de ses camarades de chambre, et, de temps à autre, je l'apercevais échanger des banalités avec Jake. C'est pourquoi, aujourd'hui, je me dis qu'elle dut voir en moi autant que je vis en elle : une échappatoire. Elle trouvait en ma compagnie un substitut à celle des autres élèves, et je trouvais en la sienne un moyen d'éviter celle de mon groupe d'amis qui, à cause de l'étrange attitude d'Angel, m'était devenue hostile. À l'origine, notre amitié n'était donc rien de plus qu'un arrangement mutuel. Mais, de fil en aiguille, je me mis à apprécier Joyce, et même à lui confier des choses. Comme cet après-midi où, prise d'une pulsion quelconque, je lui parlai de ces chevaux qui tiraient les calèches de l'école et qui hantaient mes pensées.

— Tes amis ne les voient pas ? s'étonna-t-elle quand je lui racontai l'épisode de la rentrée. C'est étrange... Je pensais que tout le monde les voyait et que, si personne ne s'interrogeait sur leur aspect, c'était parce que tout le monde y était habitué...

Savoir qu'elle pouvait les voir me soulagea grandement. Hormis Angel qui refusait de l'admettre et Regulus qui cherchait peut-être juste à se moquer de moi, le privilège de pouvoir contempler ces chevaux décharnés ne semblait pas être accordé à grand monde, si bien que j'en étais venue à m'inquiéter pour ma santé mentale.

— Tu devrais aller parler à Regulus, me conseilla Joyce. S'il t'a dit ça, c'est forcément qu'il sait ce qu'ils sont.

— C'est ce que je me dis aussi, mais...

— Mais quoi ? Tu as peur de ce qu'un autre Black pourrait penser ?

Elle ponctua sa phrase d'un ricanement empli de dédain qui me fit lever les yeux au ciel. Du peu que j'avais pu en voir, les relations entre Joyce et Sirius étaient glaciales. Tandis que le Maraudeur jugeait Joyce suspecte, celle-ci n'était pas en reste et se moquait ouvertement de lui dès qu'elle en avait l'occasion, clamant que sa rancœur à son égard n'était due qu'au fait qu'il était incapable de prendre sa vie en main.

Life Always RestartsWhere stories live. Discover now