Chapitre 8 : Le poids de la vérité

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MARS 1974

Je refusais purement et simplement d'y croire. Même si la réaction de Jake ne laissait pas de place au doute, une partie de moi continuait à penser que mon frère se fourvoyait. Après tout, qui était-il pour avancer de telles choses à propos de quelqu'un à qui il ne parlait jamais ? Ce n'était pas parce que Remus avait toujours l'air fatigué et manquait parfois les cours qu'il était nécessairement un loup-garou !

Suite à mon entrevue avec Jake, déterminée à ne pas croire ce qu'il affirmait, je me mis donc à développer un tas d'hypothèses qui auraient pu expliquer pourquoi Remus s'était absenté lors de la dernière pleine lune ainsi que ses cernes qui ne semblaient jamais vouloir s'évanouir. Mais, en réalité, plus j'y réfléchissais et essayais de lui trouver des excuses, et plus je me rendais compte que l'explication la plus plausible était qu'il était effectivement un lycanthrope.

Peu importait comment Jake avait pu être au courant : lorsque Remus disparut de nouveau lors de la pleine lune du mois de février, je compris que lui et Rogue avaient raison. Remus Lupin était un loup-garou et cela me terrifia autant que ça me dégoûta. Vous me lyncherez peut-être mentalement en lisant ces mots, mais c'était ce que je ressentais. Le peu que je connaissais des loups-garou venait des contes pour enfants dans lesquels ils avaient toujours le mauvais rôle ou encore de mon livre de défense contre les forces du mal qui les dépeignait comme des créatures magiques dont tuer faisait partie de la nature. Du haut de mes onze ans, avais-je réellement la maturité pour accepter que l'un des élèves que je côtoyais était un loup-garou ? Je ne pense pas, et j'ai toujours essayé de me convaincre que cela justifiait ma réaction, bien que je me sente encore coupable en y repensant.

Ne sachant pas comment il convenait d'agir, je choisis d'éviter les Maraudeurs et, s'ils ne le remarquèrent pas ou ne m'en firent jamais mention, ce ne fut pas le cas de Jake qui, lui, s'étonna bien vite du soin que je mettais à ne pas me retrouver en leur présence. « Ça t'apprendra à ne pas fouiner ! » paraissait me narguer son regard dès que je le croisais, quand il ne me reprochait à haute voix pas mon attitude enfantine. Aussi immature qu'avait pu être son comportement depuis mon arrivée à Poudlard, il devint soudain très adulte à mes yeux et, sans cesse, j'entendais sa voix qui me rappelait qu'un loup-garou pouvait être tout à fait inoffensif lorsque la lune n'était pas pleine.

Cela me prit du temps mais, petit à petit, le dégoût que j'éprouvais à l'égard de Remus s'évapora pour laisser place à de la pitié qui se renforça au fil de mes lectures à la bibliothèque. Je ne sais pourquoi mais, même si je n'étais pas une élève studieuse, c'était toujours vers les livres que je me tournais lorsque j'avais besoin que l'on me dicte ma manière de réagir. Les images affreuses que je découvris à propos du processus de la transformation ainsi que les témoignages d'hommes victimes de la malédiction de la lycanthropie me firent comprendre toute la fatalité du sort de Remus.

C'est après cette prise de conscience que je me mis à fréquenter les Maraudeurs à nouveau, ayant en tête de tâter le terrain du côté de James, Sirius et Peter pour voir s'ils étaient au courant et, si oui, pouvoir parler de ma découverte avec eux. Au départ, mon plan fonctionna exactement comme prévu : au fil des allusions que je laissais traîner à propos de la condition de Remus et de la gêne qu'elles provoquaient chez eux, je pus bien vite confirmer qu'ils n'ignoraient rien à propos de leur ami et passer à la phase la plus délicate. Leur dire que j'étais au courant.

Je me souviens encore parfaitement de la soirée au cours de laquelle je suis passée à l'action. En raison de la victoire des Gryffondor contre les Serpentard au Quidditch plus tôt dans la journée, la fête battait son plein dans la salle commune, Bièraubeurres et boissons plus illicites coulant à flot, et musiques à la mode faisant vibrer les tapisseries qui revêtaient les murs écarlates. Indifférente au fait que j'allais sans aucun doute gâcher la bonne humeur de James qui se vantait à qui mieux mieux des buts qu'il avait marqués pendant le match, je les réunis tous les trois dans une salle de classe déserte et cherchai le meilleur moyen de lancer le sujet.

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