Chapitre 43 : L'héritage des Cacciavani

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AVRIL 1976

Voici venu pour moi le moment d'évoquer une semaine que, à l'époque, je n'aurais pas hésité à effacer de ma mémoire. Mais elle s'y accrochée, de sorte qu'aujourd'hui les sentiments qui m'avaient traversée sont aussi translucides qu'alors.

Tout commença le lendemain de ma discussion avec Lily et de la nouvelle de la grossesse d'Haley Martins, au petit déjeuner. En entrant dans la Grande Salle, traînée par une Becca affamée, je remarquai d'emblée que quelque chose n'allait pas : contrairement à leur habitude, les Maraudeurs ne mangeaient pas ensemble. La pleine lune ayant eu lieu la veille, je m'attendais à ce que Remus ne soit pas parmi eux, mais certainement pas à ce que Sirius petit-déjeune dans son coin, si penché sur son bol qu'il était impossible de distinguer son visage, tandis qu'un James furieux et cerné faisait face à un Peter écroulé de fatigue sur ses tartines à l'autre bout de la table.

L'occasion de mener ma petite enquête ne se présenta cependant pas avant le jour suivant, lorsque j'aperçus Sirius assis seul dans la salle commune. Saisissant l'opportunité au vol, je m'installai à côté de lui et, sans prendre de pincettes, l'assaillis de questions. Il mit quelques instants à me répondre, son visage se couvrant d'un voile de culpabilité qui m'intrigua d'autant plus.

— J'ai merdé, Alicia, finit-il par lâcher.

J'haussai un sourcil. Je n'avais jamais entendu une telle intonation dans sa voix. Lorsqu'il s'adressait à moi, il le faisait toujours avec un air moqueur, glissant une pique ou une plaisanterie au détour de chacune de ses phrases. Là, il paraissait avoir totalement abandonné l'idée de m'embêter.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? l'encourageai-je d'une voix douce.

— J'ai fait une grosse connerie. Je... je ne sais même pas ce qu'il s'est passé dans ma tête. Comment j'ai pu, hein ? Comment j'ai pu trahir Remus ?

Je ne comprenais pas de quoi il parlait mais fis comme si c'était le cas.

— James m'en veut. Il dit que je suis dégueulasse d'avoir fait un truc pareil.

— D'avoir fait quoi, Sirius ?

— Remus vas me détester. Et il aura bien raison.

Abandonnant l'espoir d'assouvir ma curiosité, je le laissai parler.

— Je ne sais même pas pourquoi je l'ai fait. Rogue était là, à me provoquer en parlant de Regulus et de ma famille et... Il est allé trop loin et je n'ai même plus réfléchi. Mais c'est pas ce que je voulais faire... termina-t-il d'un ton misérable alors que des larmes jaillissaient sur ses joues.

Jamais je n'avais vu Sirius pleurer. Il m'était toujours apparu comme quelqu'un de fort qui préférait cacher ses faiblesses et ses problèmes plutôt que d'ennuyer le monde avec. J'étais bien consciente que ses histoires avec sa famille l'obligeaient à se construire une façade qui devait bien s'effondrer de temps à autre, mais jamais encore je n'en avais eu la preuve. J'avais l'impression d'avoir affaire à un gamin de trois ans. Et c'est sans doute pour ça que j'agis comme si je m'étais trouvée en présence d'un gamin de trois ans. Pour ça que je le pris dans mes bras sans savoir quoi faire d'autre.

***

Deux jours passèrent sans que rien ne change. Je faisais de mon mieux pour tenter de réconforter Sirius en passant du temps avec lui alors que ses amis l'excluaient – à juste titre, peut-être, mais je ne pouvais me résoudre à faire pareil, même après avoir eu le fin mot de l'histoire. Sirius s'en voulait toujours autant mais ne se laissa plus aller à de tels élans de faiblesse. James ne décolérait pas et me gratifiait d'un regard mauvais dès qu'il m'apercevait en compagnie de celui qui était pourtant son meilleur ami. Remus semblait prolonger inutilement son séjour à l'infirmerie. Et Peter avait l'air déçu de voir son groupe d'amis voler en éclat. 

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