Chapitre 28 : Promesse brisée et destins enchaînés

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MAI 1975

Joyce se sentit chuter pendant de longues secondes avant que ses pieds ne heurtent violemment le sol. En retenant un gémissement de douleur, elle se redressa et plissa les yeux pour discerner les contours du décor au sein duquel elle avait atterri, gênée par les rayons de soleil qui entraient à flot par deux grandes fenêtres parées de rideaux pourpres. Elle pivota sur ses talons, parcourant rapidement du regard le parc qui se devinait derrière les vitres, la cheminée de marbre, le miroir posé dessus, le joli bureau en acajou, la porte à double battants, la commode positionnée dans un coin et le grand lit à baldaquin, aux tentures assorties à l'écarlate des rideaux. Elle faillit crier en réalisant qu'elle n'était pas seule. Sur le matelas qu'elle devinait aisément confortable, deux enfants étaient installés, chiffonnant les draps blancs de leur présence. Un instant, la Serpentard fut tentée de se cacher pour ne pas qu'ils la repèrent, puis elle se souvint qu'elle se trouvait dans les souvenirs d'Edwin et non dans la réalité.

En les observant un peu mieux, Joyce reconnut d'ailleurs son oncle, à droite, plongé dans la lecture d'un épais ouvrage de magie, le nez froncé par la concentration. Il ne devait pas avoir plus de huit ans, mais ses cheveux d'un noir d'encre, ses yeux verts et la pâleur de son teint ne lui laissèrent aucune doute sur son identité. À ses côtés, Joyce fut à peine surprise d'identifier Ariane. Quoique plus élancée que son frère, leur jeune âge faisait ressortir leur condition de jumeaux et, si elle avait consenti à couper ses cheveux et à raidir son maintien, Joyce était sûre qu'elle aurait pu se faire passer pour son frère en toute discrétion.

Attendrie malgré elle, mon amie sourit à la vue de la scène. Les deux enfants ne se parlaient pas, Edwin préférant lire et Ariane le contempler sévèrement, sans doute froissée par le laisser aller de sa position, le garçon s'étant presque avachi sur le lit. Joyce en était à se demander ce qu'Edwin cherchait à lui prouver en lui montrant ce souvenir quand la porte s'ouvrit, laissant apparaître un troisième enfant. Dès qu'il entra, Ariane se mit sur ses pieds d'un bond en le scrutant d'un regard interrogateur, et même Edwin consentit à lâcher sa lecture après avoir méticuleusement corné la page de son livre.

Joyce étudia le nouveau venu, qui se tenait désormais à quelques pas d'elle. Il était plus vieux que les jumeaux et leur ressemblait, bien que ses cheveux à lui soient de la couleur des châtaignes et ses traits moins doux. Elle sentit son cœur se serrer en comprenant qu'il n'était autre que son père. Elle avait déjà vu des photos de lui adulte, bien sûr, mais se dire que, pour la première fois où elle était consciente de se tenir en face de lui, il avait l'apparence d'un gamin de première année lui fit tout drôle.

— Alors ? s'enquit impatiemment Ariane une fois qu'Anthony les eût rejoints sur le lit. Qu'est-ce qu'il a dit ?

— Je peux aller à Poudlard !

À ces mots, les jumeaux eurent des réactions bien différentes. Si Edwin sourit, l'air pleinement satisfait, des larmes apparurent dans les yeux d'Ariane.

— J'ai hâte de pouvoir y aller moi aussi ! s'exclama joyeusement le premier.

— Pourquoi tu fais la tête, Ariane ? s'étonna Anthony en voyant la moue boudeuse de sa petite sœur.

— Tu vas partir si tu vas à Poudlard...

— Mais tu n'auras que deux ans à attendre avant de m'y rejoindre ! Et puis il y aura toujours Ed !

La petite fille ne parut pas consolée pour un sou, ce qui aurait dû vexer Edwin, mais il paraissait trop accaparé par ses projections de vie à Poudlard pour se rendre compte du manque d'entrain évident que sa sœur avait de le savoir avec elle pour les deux années à venir. Quant à Joyce, cela ne l'étonna qu'à peine, tant la relation qu'entretenaient son oncle et sa tante dans le présent était froide.

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