Chapitre 15 : La perspicacité des oubliés

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OCTOBRE 1974

Emporté par la force de l'habitude, le mois de septembre s'égrena sans que je n'aie le temps de le voir passer. Pour la plupart, mes journées se résumaient à aller en cours, faire mes devoirs pour éviter de prendre du retard, traduire le guide de transformation en Animagus pour James, Sirius et Peter, et traîner avec mes amis, conformément à une routine qui ressemblait fort à celle de ma première année. Seules trois choses différaient : la présence de Joyce, l'étrange attitude d'Angel et mes interrogations au sujet des chevaux squelettiques que j'avais aperçus le jour de la rentrée.

À rien ne sert de le nier : ils m'obsédaient. C'est d'ailleurs dans l'optique d'en apprendre plus à leur sujet que je venais coloniser la bibliothèque presque tous les week-ends. Et peut-être aussi celle de fuir la pesanteur qui flottait au-dessus de mon groupe d'amis depuis que je les avais vus. Car, depuis cette soirée, Becca, Charlie et Theo - qui avaient dû me prendre pour une folle en constatant que je m'extasiais sur une créature invisible à leurs yeux - ne cessaient de me jeter des regards appuyés, comme s'ils craignaient que je recommence à avoir des hallucinations. Quant à Angel, elle évitait comme elle pouvait de se retrouver seule avec moi, confirmant l'impression que j'avais eu qu'elle savait parfaitement à quoi je faisais allusion ce jour là.

Vous me direz que le plus simple pour comprendre ce qu'étaient ces créatures aurait été d'aller m'informer auprès de Regulus Black. Après tout, la phrase qu'il m'avait lancée laissait penser qu'il savait tout de leur nature. « Je suis désolé que tu les voie », avait-il lâché. Merci bien, j'étais touchée de sa sollicitude, mais que pouvait-il bien vouloir dire par là ? Que je pouvais les voir et pas d'autres ? Ça tombait sous le sens, puisque Becca, Charlie et Theo avaient eu l'air totalement abasourdis par mes paroles. Mais pourquoi était-il désolé ? Ces chevaux étaient-ils porteurs d'un présage de mort comme le Sinistros ? Toutes les hypothèses que je formulais n'avaient aucun sens et, plus je m'en rendais compte, plus l'envie d'aller parler au petit frère de Sirius devenait forte. Pour autant, je ne m'y étais toujours pas résolue lorsqu'octobre pointa la bout de son nez, et ce pour tout un tas de raisons qui, au final, pouvaient se résumer en deux mots : nos frères.

J'en étais donc réduite à fouiller la bibliothèque de fond en comble à la recherche d'informations sur une chose dont je ne connaissais même pas le nom. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin, j'aurais eu tout autant de chances. Mais ce matin d'octobre là, à défaut de trouver quoi que ce soit à propos des chevaux qui tiraient les diligences de l'école, ma visite à la bibliothèque me permit de m'entretenir avec Arthur. Aussi silencieux qu'à l'ordinaire, arborant fièrement les couleurs de Poufsouffle dont le Choixpeau l'avait fait membre, mon petit frère fut si discret en se glissant sur la chaise qui me faisait face qu'il me fallut une poignée de minutes pour me rendre compte de sa présence.

— Oh, tu m'as fait peur ! m'exclamai-je en le remarquant enfin.

— Désolé, déclara-t-il d'un ton si neutre qu'il était difficile de savoir s'il l'était vraiment.

— Les cours se passent bien ? lui demandai-je, me rendant compte que je ne lui avais pas parlé depuis la rentrée. Tu arrives à t'intégrer ?

Un haussement d'épaules me tint lieu de réponse.

— Tu bossais ? s'enquit-il.

— Pas vraiment. Et toi ?

— J'ai un devoir de sortilèges à rendre.

Voilà à quoi se résuma notre conversation avant qu'Arthur ne dévisse son encrier et ne se mette à écrire avec un soin que je lui enviai aussitôt. Pendant un instant, je le regardai faire, puis reportai mon attention sur la pile de livres posée devant moi. Je n'avais aucune envie de me remettre à mes recherches. Elles étaient si infructueuses que cela en devenait désespérant. J'étais à présent capable de faire un rapport sur les Botrucs et les Strangulots mais, de mes chevaux morbides, nulle trace. Si bien que je me désintéressai vite de l'énième ouvrage que je parcourais pour embrasser la bibliothèque d'un regard curieux. La pièce était presque vide, les élèves profitant des derniers jours de beau temps, mais cela n'empêcha pas mes yeux de se poser sur une élève qui, penchée, sur un tas de parchemins, des bouquins ouverts tout autour d'elle, travaillait seule à l'autre bout de la bibliothèque.

Life Always RestartsWhere stories live. Discover now