Chapitre 4 : Les secrets d'un Serpentard

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OCTOBRE 1976

— On devrait la laisser dormir, tu crois ?

— Je ne sais pas... Elle s'est encore réveillée à deux heures du matin deux fois cette semaine, alors peut- être que ça lui ferait du bien. On pourra toujours dire à Flitwick qu'elle ne se sentait pas bien et qu'elle est partie à l'infirmerie...

— Dans tous les cas, il n'aurait pas de mal à nous croire. Tu as vu ses cernes ? Et son teint ? Je n'ai jamais vu quelqu'un oser se pointer avec une peau aussi pâle après deux mois passés à bronzer sur la plage !

— Becca !

Telle était la conversation qu'entretenaient Angel et Becca à mon sujet et qui, un matin d'octobre, me tira des limbes du sommeil. Si je m'en souviens si bien alors que, à l'inverse, le mois de septembre de cette année 1976 s'est évaporé de ma mémoire, c'est parce que c'est à peu près à ce moment que je décidai de quitter l'état de légume dans lequel je me complaisais depuis mon retour à Poudlard – et qui ne dupait pas mes amies malgré tous les efforts que je déployais pour leur faire croire que j'allais bien.

Elles avaient raison de s'inquiéter, bien entendu. Je n'étais plus moi-même depuis cette escapade au manoir Martins. Et si je pouvais prétendre le contraire face à Lily, Charlie, Theo ou les Maraudeurs parce qu'ils ne me voyaient que durant la journée, les choses étaient différentes avec mes camarades de dortoir qui, à intervalles réguliers depuis le début de l'année, me voyaient m'éveiller en pleine nuit, en sueur et terrifiée.

En effet, chaque nuit, le même cauchemar revenait me hanter. Ce cauchemar morbide où, seule dans la cave des Martins plongée dans l'obscurité, j'avançais en direction du cadavre que Joyce et moi avions découvert sans pour autant jamais réussir à m'en approcher suffisamment pour distinguer son visage. Son identité m'obsédait. Qui était-il ? Qu'avait-il fait pour se retrouver là ? Était-il un membre du Cercle des Sept Dons ? Depuis combien de temps habitait-il de sa présence le manoir ?

Le cadavre, son identité et les secrets qui le concernaient étaient les seules choses qui me préoccupaient à cette époque-là. Voldemort ? Mes notes en chute libre ? Mes parents qui s'inquiétaient du peu de lettres que j'envoyais ? Les interrogatoires d'Angel et Becca ? Les regards curieux de Sun-Ly et Zoey ? Ils ne faisaient pas le poids en comparaison de l'image morbide de ce corps privé de toute vie qui moisissait dans une cave depuis plus de quinze ans.

La journée, j'arrivais à faire semblant. À faire comme si je m'intéressais aux cours. À me plaindre des devoirs trop nombreux qu'on nous donnait. À rire aux vannes de James. À m'énerver contre les surnoms stupides de Sirius. À taquiner mes amis. Toutes ces choses que j'avais toujours faites depuis mon arrivée à Poudlard. Mais la nuit, je redevenais vulnérable.

Tous les soirs, je fermais les rideaux de mon baldaquin avec la même appréhension et me lovais sous les couvertures en tremblant. J'attendais ensuite le sommeil comme un condamné à mort attend son bourreau : avec l'espoir vain de pouvoir lui échapper. Mais, aussi vrai qu'un condamné ne peut éviter la sentence prononcée à son égard, je ne pouvais vivre sans dormir et je refusais de me rendre à l'infirmerie pour y demander une potion de sommeil à Pomfresh qui ne manquerait pas de m'assaillir de questions. J'aurais pu la confectionner moi-même grâce à ma connaissance des plantes, mais je n'en avais pas le courage. Alors je continuais comme je pouvais, des poches alourdissant mes yeux et le moral au plus bas.

Le pire étant que la seule personne avec qui j'aurais pu partager mes angoisses nocturnes et mes obsessions ne me parlait presque plus. Je ne savais pas si c'était sa manière de réagir au choc et de tenter de retrouver une vie normale, mais Joyce semblait faire tout ce qui était en son pouvoir pour m'éviter. Peut-être ne le faisait-elle pas exprès. Mais elle passait quasiment tout son temps libre avec Jake et ses amis, c'est-à-dire inévitablement avec Rosier et Regulus Black que je n'avais pas tellement envie de voir. Et puis, même lorsqu'elle n'était pas avec eux, elle était introuvable. J'avais fini par m'y faire. Joyce et moi n'entretenions pas vraiment une relation stable. Nous avions des visions tellement différentes des choses qu'on passait notre vie à nous taquiner et à nous disputer, même si je n'envisageais que difficilement ma vie sans elle maintenant que je la connaissais.

Life Always RestartsWhere stories live. Discover now