Chapitre 18 : Noirceurs de guerre

376 44 16
                                    

DÉCEMBRE 1977

— Alicia.

La voix de Marly était douce et posée mais, murée dans le silence comme je l'étais depuis le début de la journée, elle ne m'empêcha pas de sursauter.

— Je peux entrer ? reprit ma jumelle, appuyée contre le chambranle de la porte.

— Vas-y.

Je n'en avais pas envie, mais notre relation était déjà passée par trop de stades douloureux pour que je prenne le risque de la repousser et de gâcher ce que nous commencions à peine à reconstruire. Aussi, même si je savais qu'elle allait vouloir me parler de ce que j'avais appris avant les vacances, je me décalai pour lui laisser de la place sur mon lit et la laissai s'asseoir à mes côtés.

— Tu faisais le devoir de sortilèges ? s'enquit-elle en avisant le manuel que je tenais sur mes genoux.

J'haussai les épaules sans répondre.

— Tu faisais semblant de faire le devoir de sortilèges ?

Je roulai des yeux, la faisant éclater de rire.

— Quoi ? ricana-t-elle. Tu me réponds pas, il faut bien que je fasse la conversation toute seule !

Je me retins de lui dire qu'elle n'y était nullement obligée. Toute moqueuse que j'étais, je savais qu'il y avait des limites à ne pas franchir et l'angoisse que Marly ressentait dès que les silences se prolongeaient outre mesure était l'une d'elles.

— Désolée. J'ai juste pas la tête à ça. Mais tu le sais déjà, sinon tu ne serais pas là.

— Merde, alors, grommela Marly. Et moi qui pensais que, de nous deux, c'était moi la plus perspicace !

J'eus un sourire amusé avant de reprendre mon sérieux.

— Je suppose que Jake t'a expliqué le problème.

— Oui. Il est vraiment triste que tu ne veuilles plus lui parler, tu sais.

Depuis que Regulus lui avait dit que j'étais au courant pour sa condition de Mangemort, je ne faisais que fuir dès qu'on se retrouvait dans la même pièce, lui interdisant tacitement de m'approcher. C'était bête et méchant, mais plus fort que moi. Jake savait depuis des mois que Regulus faisait partie de cet organisme qui terrorisait la population.  Il savait aussi que le cadet des Black et moi nous côtoyions, et tout ce qu'il avait fait, c'était refuser de me donner les renseignements que je demandais et me condamner unilatéralement à l'ignorance. Qu'il l'ait fait pour me protéger m'importait peu.

— Oui, je sais. Et je sais aussi que tu trouves ça débile, déclarai-je. Mais j'y peux rien. Même si c'est le mieux placé pour me comprendre, j'y arrive pas. On a éclairci les choses après que j'aie parlé avec Regulus et je crois que pour l'instant c'est la seule interaction que j'étais capable d'avoir avec lui.

— Tu lui en veux, c'est tout. Et c'est pas débile. C'est juste dommage, parce qu'avoir une discussion ne pourrait que vous être bénéfique.

— Qu'est-ce que tu sais de la situation, au juste ?

Marly me toisa longuement avant de répondre, non sans avoir poussé un petit soupir.

— Pas grand-chose. Juste que pas mal de Serpentard se sont alliés à...

Ma sœur s'interrompit, s'assura que personne ne pouvait nous entendre malgré la porte restée ouverte, puis souffla :

— À Voldemort.

Dans d'autres conditions, j'aurais trouvé stupide qu'elle prenne tant de précautions pour dévoiler un nom qui, au final, ne disait rien de l'identité de celui qui le portait. Mais, depuis que nous étions rentrés de Poudlard, ma mère nous faisait une réflexion dès que l'on prononçait ce mot à la sinistre connotation. Elle refusait purement et simplement de l'entendre, considérant que cet individu la privait déjà suffisamment de son mari et de sa vie d'avant pour qu'il lui rafle en plus les conversations de ses enfants. Les attaques qui continuaient et le Ministère qui sombrait ne lui laissaient pourtant pas le choix : c'était naturellement que le sujet revenait sur nos lèvres et cette censure ne pouvait rien y changer. Cependant, je crois que, à force, elle avait fini par avoir peur de ce que son nom était capable de faire. Elle luttait contre lui aux côtés de mon père dans cette organisation secrète dirigée par Fol-Œil, certes, mais elle le craignait et, plus précisément, craignait tout ce qui allait avec lui, son nom en tête de liste.

Life Always RestartsWhere stories live. Discover now