Chapitre 11 : La spirale infernale

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FÉVRIER 1977

— C'est ta date d'audience ?

Cette question, Charlie la posa avec prudence le matin où une chouette appartenant au Ministère se posa devant moi lors du petit-déjeuner. Les yeux fixés sur les lettres soigneusement calligraphiées par un quelconque employé, j'hochai la tête et mon ami retourna à ses pancakes sans plus chercher à m'importuner. Cela ne lui ressemblait guère, mais je ne m'en étonnai pas. Depuis que la mort d'Adelyn Radley avait fait le tour de l'école, ce n'était qu'ainsi qu'on s'adressait à Nathan, Joyce ou moi : avec des pincettes. À croire que nous étions tous les trois plus affectés par son décès que le reste des élèves, alors même qu'aucun de nous ne se souvenait lui avoir déjà adressé la parole. Cela dit, je ne pouvais pas le leur reprocher. Ce jour-là, c'était nous qui nous étions retrouvés face à son cadavre, nous qui avions dû affronter la vue de ce visage délaissé par la vie. Pas eux.

— Elle a lieu jeudi prochain, annonçai-je à mes amis en rangeant le parchemin dans son enveloppe.

Ils me couvèrent de regards inquiets.

— Et... commença Angel.

Elle déglutit, hésita. Ajouta :

— Tu te sens prête ?

— Non. Comment l'être ? Je vais être obligée de rester assise dans une salle à me faire cuisiner au sujet de quelqu'un que je n'ai pas connu et de quelque chose dont je n'ai pas envie de parler.

Et je vais devoir mentir.

— Tu sais qu'on est là pour toi si tu en as besoin ? souffla Becca.

Je souris, reconnaissante.

— Je sais. Mais là, je crois que vous ne pouvez pas m'aider.

Cette audience judiciaire au Ministère de la Magie, je devais me préparer à l'affronter seule, livrée aux questions auxquelles personne ne daignerait accorder de réponses puisque c'était mois qui était appelée à la barre des témoins pour en donner. Évidemment, j'avais conscience que le Ministère n'avait pas le choix, les circonstances mystérieuses de la mort d'Adelyn rendant cette audience obligatoire. Le Département de la Justice Magique brûlait d'imputer le crime à Voldemort et aux Mangemorts, mais l'absence sur les lieux de preuves éloquentes comme la marque des ténèbres le forçait à ouvrir une procédure judiciaire afin de trouver ce coupable qui n'avait pas daigné revendiquer son crime.

— Est-ce que Marly va mieux ? me demanda Charlie lorsque, l'heure tournant, nous nous décidâmes à rejoindre notre salle de cours.

L'intérêt qu'il lui porta m'étonna, mais j'avais des problèmes autrement plus importants pour réellement m'y attarder.

— Non. Elle ne prendra pas part à l'audience.

Jake, Arthur et moi étions les seuls élèves de Poudlard à pouvoir la voir tant qu'elle séjournait à l'infirmerie, mais les visites avaient beau s'enchaîner, son état demeurait tristement stable. Pendant toute la durée des entrevues, elle restait muette, presque immobile, quand elle ne se mettait pas à hurler des paroles incompréhensibles en prenant au col la première personne qui lui tombait sous la main.

— Je vais la voir tout à l'heure. Pour récolter son témoignage, si j'y arrive. Je te dirai s'il y a une amélioration.

— Merci, murmura Charlie avant de s'engouffrer dans la salle où avait lieu notre première classe de la journée.

Au cours de celle-ci et, à vrai dire, de toutes celles qui suivirent, je ne parvins pas à penser à autre chose que cette fichue audience. Les discussions de mes amis, les monologues de mes professeurs, les regards désolés qui s'attardaient sur moi... rien ne lui volait la vedette. Elle n'aurait dû être que protocolaire, mais les edelweiss qui avaient poussé devant le cadavre d'Adelyn rendaient les choses beaucoup compliquées. J'étais consciente que les parents de la Serdaigle méritaient de savoir ce qui était arrivé à leur fille, mais je me sentais incapable de parler de la Communauté. Tirer sur ce fil, c'était faire remonter au grand jour bien trop de secrets, de mensonges et de crimes, et je ne pouvais pas faire cela à Joyce ou à Ganymede. J'étais prise au piège entre mon intégrité morale et ma fidélité d'amie, et le mélange me mettait à fleur de peau. J'étais si perdue que, parfois, j'en venais à en vouloir à Adelyn pour être morte si près de là où je passais mon après-midi avec Joyce et Nathan, ce qui n'avait pourtant aucun sens.

Life Always RestartsWhere stories live. Discover now