Chapitre 6 : Hésitations

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NOVEMBRE 1976

Après ma conversation avec Theo, je me mis à faire plus attention à la relation qu'entretenaient Charlie et Marly. Et force me fut de constater que, même s'ils ne s'adressaient la parole en public qu'en cas de nécessité, une familiarité silencieuse et gestuelle s'était installée entre eux. Que ce soit dans la Grande Salle, pendant les cours qu'on partageait avec les Serdaigle ou même dans les couloirs, il leur arrivait fréquemment d'échanger de brefs regards qui laissaient supposer une certaine complicité.

Je mentirais si je disais que ça ne m'atteignait pas. Je jalousais cette relation et une rancœur sourde grandissait en moi au fil des jours. Mais, curieusement, elle se dirigeait plus vers Marly que vers Charlie. C'était ridicule. Comme si je la rendais coupable de l'habileté avec laquelle Charlie avait su déceler ses moindres secrets. Ou, plutôt, comme si je lui reprochais de lui montrer à lui quelque chose qu'elle refusait de me montrer à moi.

D'autant plus que le Gryffondor n'était pas le seul à qui elle semblait avoir donné les clés pour la comprendre. En plus de lui, elle s'était considérablement rapprochée d'une Serdaigle aux cheveux blonds toujours ébouriffés dont je ne connaissais pas le nom, mais que je savais être dans la même année que Regulus et Nathan. Il n'était pas rare de les voir ensemble dans le parc ou bien à la bibliothèque, et elles étaient toujours plongées dans de longues discussions sérieuses, ce qui me laissait penser que cette cinquième année avait, au même titre que Charlie, percé les défenses de ma jumelle. C'était peut-être parce que je ne la connaissais pas, mais j'avais commencé à beaucoup en vouloir à cette fille qui, pourtant, ne m'avait rien fait. Elle réveillait en moi la jalousie que je refusais de ressentir pour Charlie, allant jusqu'à m'obséder dès que je croisais son chemin dans les couloirs de Poudlard.

Ma vie n'était faite que de ça à ce moment-là,​ de toute façon. Le cadavre, le comportement étrange de Lestrange, mon envie d'être normale, le Cercle des Sept Dons, la relation de Charlie et Marly, la Communauté de l'Edelweiss, cette Serdaigle... Tour à tour, j'en faisais les objets de mes obsessions, sans jamais me laisser une minute de répit. Ça n'a l'air de rien dit comme ça mais, à l'époque, ça me bouffait de l'intérieur et m'empêchait de vivre comme je l'aurais souhaité.

Pourtant, malgré les terribles desseins des Martins, malgré cette blonde qui était entrée dans la vie de Marly, malgré mes disputes avec Jake, malgré la guerre et les attaques, malgré ce que Charlie me cachait par rapport à ma sœur et malgré la confusion que je ressentais, la vie continuait. Le vent et la pluie balayèrent les feuilles d'automne, le froid vint remplacer la douceur de la mi-saison et l'hiver se fit plus proche. Pleine de questions mais toujours sans réponses, je poursuivais mon petit bonhomme de chemin comme si de rien n'était, tout simplement parce que c'était ce que je savais faire de mieux.

Ainsi, j'avais tenu ma promesse et commencé à rejoindre Joyce dans le cachot qu'elle s'était approprié pour l'aider à enquêter sur les meurtres commis par la Communauté de l'Edelweiss et, plus précisément, sur l'attaque perpétrée à Cabourg le 14 juillet 1919. Mais nous avions beau étudier toute la documentation qui se trouvait à notre portée, nous ne trouvions rien. L'affaire n'avait pas été reléguée par les journaux anglais comme nous avions pu le voir en fouillant dans les anciens numéros de la Gazette conservés à la bibliothèque, et aucun des livres de l'école qui traitaient de la Communauté de l'Edelweiss était suffisamment récent pour en parler.

— J'en ai plus que marre d'être bloquée ici ! ragea Joyce un jour en se plantant pour la énième fois devant son tableau de bord. J'aimerais tellement pouvoir me rendre à Cabourg rien qu'une fois, histoire d'aller fouiner dans les archives de la mairie ou d'un quelconque journal de là-bas ! Je suis certaine qu'ils ont conservé des traces de l'identité des victimes de l'attaque de la maison par mes arrières-grands-parents ! Peut-être même que des témoins sont toujours en vie et qu'on pourrait les interroger et en apprendre plus...

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