Chapitre 5 : Les théories de Charlie

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OCTOBRE 1976

Certains pensent qu'il est impossible d'échapper à qui l'on est et que si, momentanément, il nous semble y arriver, ce n'est qu'une illusion qui, lorsque son écran de fumée se dissipera, laissera apparaître un miroir ne nous renvoyant que plus nettement notre image. Le trait de caractère qui m'a toujours définie, qu'on le considère comme un défaut ou une qualité, a toujours été la curiosité. Aujourd'hui, je ne m'étonne donc plus qu'après ce cours de potions où l'étrange comportement de Ganymede Lestrange m'avait interpellée, j'ai laissé tomber toutes ces résolutions qui me tenaient tant à cœur pour accorder plus d'importance aux allées et venues du Serpentard au sein de Poudlard. Si je ne cherchais pas vraiment à savoir ce qu'il trafiquait, je ne ressentais pas moins le désir de savoir quelle vie secrète il menait et à quels problèmes il était confronté.

C'est ainsi que je finis par remarquer que Lestrange paraissait systématiquement sur ses gardes, comme si un ennemi visible de lui seul était toujours dans son sillage. C'était particulièrement flagrant dans la Grande Salle, pendant les repas, pas un ne se passant sans qu'il ne jette de petits regards autour de lui à la recherche de quelque chose que je ne parvenais pas à identifier. Il était souvent seul, parlait peu, s'énervait facilement et n'avait de toute évidence plus la force de porter un masque puisque quelques jours d'observation me furent suffisants pour le remarquer.

Ses agissements étaient si intrigants que j'avais toutes les peines du monde à ne pas mener une vraie petite enquête et identifier ce qui ne tournait pas rond chez lui. Par ailleurs, je ne me serais certainement pas retenue s'il n'avait pas été le cousin de Joyce et que celle-ci ne m'avait pas demandé de l'aide pour sa propre enquête. On avait beau être en froid, refuser de participer à ses recherches pour au final me lancer sur les traces des lourds secrets que cachait Ganymede Lestrange aurait été la trahir.

En parallèle, nullement embêtée par les tourments qui agitaient mon esprit, la vie continuait avec pour toile de fond la guerre qui faisait rage au-dehors. Alors qu'auparavant seuls certains élèves – des Serdaigle pour la plupart – suivaient l'actualité, il n'était désormais plus rare de voir traîner des éditions de la Gazette un peu partout. Après s'être tu sur la montée de Voldemort et de ses « Mangeurs de Mort » qu'il était pourtant loin d'ignorer, le quotidien mettait effectivement un point d'honneur à nous faire part des détails les plus sordides des attaques perpétrées dans dans le monde magique que moldu. Toute indignée que j'avais été par le fait que les journalistes soient réduits au silence, je devais bien admettre que la totale liberté d'expression n'était pas plus à mon goût : la population était terrifiée.

J'aurais cependant menti si j'avais dit que cette guerre m'affectait alors vraiment. À cette époque-là, c'était plus une sorte de gros nuage noir qui assombrissait le ciel et plongeait dans l'ombre l'environnement dans lequel j'évoluais qu'une réelle menace pour moi et mes proches. Je me contentais de vérifier les noms des victimes des attaques et, tant que le mien et ceux de mes amis n'apparaissaient pas, je repliais le journal qu'Angel persistait à lire tous les matins et me détendais pour le reste de la journée. En revanche, ce qui vint réellement bouleverser mon petit monde, ce furent trois interactions que j'eus les unes à la suite des autres au courant du mois d'octobre 1976.

***

Il y eut tout d'abord cette matinée d'octobre où, alors que toute l'école ne parlait que d'Halloween et que j'avais enfin réussi à me sortir Lestrange de la tête suffisamment longtemps pour me rappeler de l'existence d'un devoir de défense contre les forces du mal – le nouvel professeur, un Écossais avec un accent à couper au couteau, était un adepte des questions argumentées – je me rendis à la bibliothèque et y fus rejointe par nulle autre que Joyce qui, sans mort dire et sans même me regarder, vint s'installer à ma table.

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