Chapitre 1 : Rendez-vous à Poudlard

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JUILLET 1976

Trouver le bon moment pour commencer un récit d'une telle envergure n'est pas aisé. Il y a tellement d'éléments à prendre en compte qu'il me faudrait remonter des siècles plus tôt et vous raconter la vie de personnes que je n'ai jamais rencontrées pour vous fournir un récit que je puisse prétentieusement qualifier de complet. Après réflexion, les semaines qui ont précédé ma première rentrée à Poudlard me semblent donc être un bon début. Et plus précisément cette journée si spéciale au cours de laquelle je reçus ma lettre ; celle que, à l'instar des autres petits sorciers de mon âge, j'avais attendu des mois – ou étaient-ce des années ? – durant.

J'aimerais bien pouvoir affirmer qu'il s'agissait d'une journée claire et chaude de juillet, mais cela fait en réalité longtemps que je l'ai oublié. Ce dont je me souviens en revanche avec certitude, c'est que, sitôt mon petit-déjeuner englouti, j'avais décidé de faire du tri dans ma chambre. Les fenêtres ouvertes pour rafraîchir la pièce, j'étais en train de me noyer sous les papiers, bibelots, livres et vêtements dont j'avais vidé mes placards lorsque j'entendis les marches de l'escalier de la maison craquer sous le pas aérien de ma mère. Quelques instants plus tard, avec cette indiscrétion chronique qui caractérise les mères, elle débarquait dans ma chambre et, non sans me faire les gros yeux en raison du bazar qui y régnait, m'annonçait avec un grand sourire :

— Elles sont arrivées, ma chérie !

Sans doute dénuée de sens pour toute personne étrangère à la scène, cette phrase était un signal entre ces murs. Dès qu'elle parvint à mes oreilles, je lâchai l'album photo que je tenais sans beaucoup de considération pour le pauvre objet et me ruai vers la porte en manquant de m'étaler par terre à cause de toutes les affaires qui jonchaient le sol. Impatiente, je dévalai quatre à quatre les quelques dizaines de marches qui me séparaient de la cuisine et, en un clin d'œil, m'y engouffrai. Mon père m'y attendait, le visage barré de son éternel sourire en coin qui faisait ressortir les fossettes donc j'avais héritées.

— Félicitations ! s'exclama-t-il en me voyant débouler. Je suis fier de toi, mon Ali.

Il me fourra dans la main une enveloppe parcheminée au sceau bien connu que je caressai du bout du doigt, rêveuse. Tandis que je décachetais la missive tant attendue, Marly, ma sœur jumelle, fit à son tour irruption dans la cuisine, ses mèches blondes en bataille lui retombant sur le front. Mon farceur de père s'amusa un instant à tenir la lettre hors de sa portée, la mine frustrée de ma sœur lui donnant matière à se moquer, puis la lui remit enfin avant de nous déposer à chacune un baiser sur le front et de transplaner en direction du Ministère où il travaillait en tant qu'Auror.

— On va à Poudlard ! lançai-je joyeusement à Marly.

Je ne crois pas qu'elle me répondit de vive voix, se contentant d'un sourire timide alors que je quittais la cuisine. À mes onze ans, et bien qu'on soit jumelles, je n'étais pas proche de Marly. Nous nous adressions quelques mots de temps à autre, surtout en présence de nos parents, mais, la complicité qui unit ordinairement les jumeaux, nous avions comme fait une croix dessus. Et, si ça me blessait, en partie parce que je ne parvenais pas à comprendre la source de cet éloignement, respecter cette distance était bien plus simple que de tenter d'y mettre un terme. Par ailleurs, j'entretenais le même genre de relation avec Jake, notre frère aîné, avec qui j'avais pourtant fait les quatre cent coups avant que toute notre famille ne quitte la France au profit de l'Angleterre, six années plus tôt. Quant à Arthur, le benjamin, il se complaisait si bien dans le silence que je n'avais jamais réussi à savoir ce qu'il pensait. Mais, pour peu qu'il se décidât à ouvrir la bouche, il était d'excellente compagnie, quoiqu'un peu vexant par moments tant il était lucide.

Life Always RestartsWhere stories live. Discover now