Chapitre 26 : L'écho de nos mensonges

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MARS 1975

Allongée sur l'un des lits blancs de l'infirmerie, ses cheveux bruns sagement éparpillés autour de la tête, Joyce ne m'avait jamais semblé aussi paisible qu'après que je lui aie administré une dose de valériane. Si on passait outre les bandages qui entouraient à présent son poignet mutilé, rien n'aurait pu rappeler l'état de folie dans lequel elle s'était trouvée à peine une heure plus tôt. À mes côtés, Regulus paraissait lui aussi absorbé par la contemplation de la jeune fille, dont seuls les pas de Mrs Pomfresh revenant vers le lit le firent sortir. Elle vérifia que l'état de Joyce était toujours constant, puis se tourna vers Regulus et moi, un air rassurant au visage.

— Miss Azer, Mr Black, j'aurais besoin de vous parler quelques instants.

J'échangeai un bref regard avec le Serpentard et on se leva pour suivre l'infirmière qui disparaissait déjà dans la salle de repos adjacente à l'infirmerie. C'était une toute petite pièce à l'odeur proche de celle du cabinet de ma mère que je chérissais tant. De grandes étagères de bois étaient appuyées contre les murs au papier peint blanc défraîchi, des tonnes de parchemins de recherches et de livres de médecine s'y entassant, voisinant parfois le flacon égaré d'un quelconque remède miracle. Un petit bureau revêtu de cuir brun était positionné au milieu de la pièce et une chaise du même genre lui faisait face. Mrs Pomfresh agita sa baguette et deux chaises un peu moins confortables apparurent. Elle nous indiqua de nous asseoir d'un petit geste de la main puis fit de même, croisant ses doigts devant elle.

— Bien, commença-t-elle. Je suppose que vous voulez savoir comment va votre amie et ce qui s'est passé tout à l'heure.

On hocha machinalement la tête.

— Je pense que vous n'êtes pas sans savoir que Miss Martins a eu une enfance difficile, voire perturbante. La perte successive de plusieurs figures importantes, les déménagements, le changement de mode de vie... Parfois, il arrive qu'après des épreuves de ce type, l'individu en garde des séquelles psychologiques, que son esprit se renferme et devienne agressif. C'est ce que l'on appelle médicalement du stress post-traumatique. Ça peut se présenter sous différents syndromes et, pour Miss Martins, il s'agit d'une hyper-activation de son cerveau conduisant à un comportement violent et impulsif envers elle-même ou envers les autres. La meilleure chose à faire dans ces cas-là est soit d'attendre que la crise se termine, soit d'intervenir par le biais de médicaments ou de sorts. Vous avez très bien réagi, Miss Azer, mais à l'avenir j'aimerais que votre réflexe soit de venir me trouver directement plutôt que d'utiliser un produit qui aurait pu ne pas convenir. Connaissant le travail et la réputation de votre mère, je me doute que vous saviez ce que vous faisiez, mais c'est par pur motif de sécurité.

Je baissai la tête, légèrement honteuse, et acquiesçai.

— C'est tout ce que j'avais à vous dire. Avez-vous des questions ?

— Pas moi, répondit Regulus.

— Moi non plus, renchéris-je, voulant à tout prix quitter l'infirmerie le plus vite possible.

— Bien. L'heure du dîner est passée, ajouta-t-elle en jetant un œil à la montre à gousset placée dans sa poche. Hors de question que vous quittiez cette infirmerie sans avoir mangé.

Et sans nous laisser le temps de répliquer, elle fit apparaître une assiette de sandwichs sur son bureau et nous intima de manger d'un regard. J'avais beau ne pas avoir faim du tout, je me saisis tout de même d'un sandwich que je grignotai timidement, évitant soigneusement le regard insistant de Regulus et celui pressant de l'infirmière. Après quelques sandwichs de plus, on finit par se lever et, avec une dernière pensée pour Joyce, quitter l'infirmerie.

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