Chapitre 79 (Partie 6)

590 80 5
                                    

Après avoir petit déjeuné, il s'était décidé à finalement rejoindre le camp français. Il ne pouvait pas éternellement repousser son rapport. Cet imbécile de Darmain trouverait à redire quoiqu'il lui raconte et comme il lui était impossible d'affirmer que la compagnie de soldats qu'il était censé retrouver, avait été décimée par des strygoïs et ramenée à un semblant de vie, il devrait accepter d'admettre qu'il avait perdu leurs traces près de ce petit village. Il avait échoué. Il sentait venir le blâme et avec quelle délections ce pisse-froid de colonel allait le lui donner.

À ce rythme, ses états de services seraient bientôt aussi pitoyables que ceux de son père. Au moins Phineus avait-il eu la satisfaction de recevoir celui qui avait mis fin à sa profession en épargnant la vie d'innocents. Lui, n'avait pu sauver personne. Et il allait faire une croix sur la glorieuse carrière qu'il s'était, enfant, juré d'avoir pour faire oublier le manque d'ambition paternel. Et pourtant, il n'arrivait pas être absolument malheureux.

Les enfants et Diana, les avaient escortés Cerberus et lui hors de l'auberge et n'avaient accepté de les quitter qu'une fois qu'ils eurent atteint le grand portail dont on avait récupéré les portes dans une ancienne ferme qui avait été rasé.

Arcas lorsqu'il embrassa son épouse, lui murmura à l'oreille qu'il lui expliquerait dès son retour pourquoi les petits ne voulaient plus le lâcher d'un pouce.

– Vous trois, dit-il à Jimmy, Fotoula et Spider, je compte sur vous pour veiller sur ma Dame.

Toula, les poings serrés, hocha la tête d'un air déterminé. Elle l'avait suivi Arcas du regard depuis le porche et n'avait quitté son poste d'observation que lorsque Harispe et son molosse eurent disparu derrière les collines.

***

Cette nuit sans sommeil avait laissé des traces. Diana avait du mal à conserver les yeux ouverts et elle ne réussissait pas à se réchauffer malgré le café et les tisanes qu'elle buvait en continu. Sans compter que penser à ce mort-vivant lui donnait de terribles nausées. Au moins le dispensaire était-il débarrassé de son odeur de chair pourrissante qui lui soulevait le cœur depuis des jours.

Elle s'examina attentivement dans un miroir et prit sa température, elle craignait de manière presque irrationnelle d'avoir été contaminée par cette chose. Arcas lui avait transmis sa terreur en même temps que des visions apocalyptiques de ce que leur réservait l'avenir. Elle savait pourtant qu'elle n'avait pas subi la moindre attaque. Elle s'en serait rendue compte si ce monstre l'avait... l'avait quoi ? Mordu, touché, soufflé dessus alors qu'elle somnolait sur sa chaise après s'être épuisée à veiller sur ses malades.

Elle pesta alors qu'elle passait d'un lit à l'autre à la recherche du signe que quelque chose d'anormal s'était produit. Mais comment repérer quoique ce soit alors qu'elle ne savait pas à quoi s'attendre ?

Elle se houspilla, elle n'allait tout de même pas se laisser abattre par ce genre de considérations. Elle était venue en Crimée pour aider des malades et qu'elle soit maudite si la peur la faisait de nouveau ressembler à un petit animal craintif. Elle chargea donc son chariot de bandages, de désinfectant, des médicaments et commença les soins avec la même abnégation qui l'avait toujours animée.

Elle avait pris un carnet et notait consciencieusement la température, le rythme cardiaque de chacun, bien décidée à agir avec raison et méthodes, elle examina chaque patient minutieusement à l'affût du moindre indice avant-coureur du "mal". Pour l'instant, se félicita-t-elle, une fois qu'elle eut soigné le dernier militaire, elle avait fait chou blanc. Elle n'osait pas encore se réjouir. Le sergent était resté dans le dispensaire pendant des jours sans qu'elle ne suspecte rien de son état, pourtant elle aurait dû voir les signes. Cela ne jouait guère en faveur de son jugement. Ce qui l'inquiétait le plus étaient ces fièvres et cette agitation dont avaient souffert les malades au contact de cette abomination, sur le moment elle n'avait pas fait le lien. Et si le mal se transmettait comme une maladie ? Elle désinfecta les sols, les murs et décida qu'elle allait même brûler la literie du mort par acquis de conscience. On n'était jamais trop prudent. Elle repensa au regard hanté d'Arcas qui pourtant en avait vu d'autres. Il était bouleversé comme jamais elle n'aurait cru que puisse être cette force de la nature. Alors qu'il affrontait la vie avec un sourire de défi, faisant un pied de nez au danger, (n'avait-il pas fait un brin de causette avec un ancien dieu sans paraître plus ému que cela ?) il semblait ne plus avoir la force de rire de leur situation comme s'il avait atteint la limite de sa logique, la frontière de ce qui était concevable. Après cela il y avait seulement la peur. Le contre-nature. Elle laissa ses pensées voguer vers lui, espérant lui redonner malgré la distance un peu d'espoir en l'avenir.

Quand les loups se mangent entre euxHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin