Chapitre 67 (partie 2)

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Pourquoi lord Blake et son ami avaient jugé bon de venir les interrompre alors qu'elles étaient en pleine séance d'essayage fut la première question que se posa Cassandre ? Après tout elles n'étaient entrées dans la boutique de Mrs Bailey que depuis un peu plus d'une heure. On n'allait tout de même faire croire à la jeune femme, que son mari ne pouvait pas se passer de sa présence durant une heure à peine alors qu'il avait passé des mois sans lui accorder la moindre attention à des centaines de kilomètres d'elle.

Les occupations ne manquaient pourtant pas dans cette grande ville de Londres. Il pratiquait la boxe, il y avait aussi la gestion de ses affaires, la chasse aux Flambeaux... n'importe quoi autre qu'encombrer les allées de cette élégante boutique de couture avec sa gigantesque carcasse, qui avec son haut-de-forme touchait littéralement le plafond.

Mais le futur comte de Bronson portait un intérêt particulier à la mode féminine. Il posa bien plus de question à Mrs Bailey en l'espace de cinq minutes que Cassandre depuis son arrivée, et sur des points qui ne lui serait pas même venue à l'idée. Il voulait absolument savoir ce que porterait son épouse, les couleurs qu'elle avait choisies et dans quelles étoffes, à quel point les tenues étaient près du corps, si elle comptait porter un corset particulièrement serré. Non ? Il le fallait absolument. Il avait accompagné ses remarques de regards qui se voulaient charmeur. Cassandre s'approcha de lui, profitant que la couturière s'était éloignée en gloussant en compagnie de Christine qui semblait flotter sur un nuage. Elle lui demanda les dents serrées de s'occuper de ses fesses et d'arrêter de se tracasser de ce qu'elle mettait sur les siennes où elle le noierait pour de bon dès qu'elle en aurait l'occasion.

– Vous ne voulez pas me faire plaisir ? Lui demanda-t-il en lui faisant un clin d'œil de connivence. Elle soupira bruyamment, elle avait un frère qui était autrement plus doué pour user de son charme pour obtenir ce qu'il voulait qu'un... anglais. Elle connaissait les ficelles.

– Je ne vois quel plaisir vous tirez à vous mêler de ça. Est-ce que je vous demande en quoi sont fait vos caleçons ? Non ! Parce que ça n'a aucun intérêt. Je veux du confort, pas être enserrée dans des baleines qui risquent de me perforer un poumon s'il me vient l'idée saugrenue de me pencher pour ramasser une petite cuillère. Je suis une femme active au cas où vous ne l'auriez pas remarqué alors si vous voulez jouer à la poupée trouvez-vous quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui n'a pas déjà eu à courir pour sa vie par exemple.

Sa déclaration le laissa un instant pensif, puis il finit par dire en se penchant à son oreille :

– Je n'ai pas envie de jouer à la poupée et surtout pas avec quelqu'un d'autre. Faites comme bon vous semble. Vous serez magnifique quoi que vous portiez. Mais par pitié pour mes pauvres yeux... n'achetez surtout pas de ce velours jaune.

– Soit.

Elle dit cela doucement, avec méfiance comme si même une aussi petite concession pouvait devenir dangereuse.

Il saisit alors sa main dans la sienne, large, chaude, un peu trop calleuse pour être celle d'un parfait gentleman, il se pencha et déposa un baiser au creux de sa petite paume sous les regards amusés de la ruche bourdonnante des couturières qui s'affairaient autour d'eux. En souriant, il quitta la pièce, tirant au passage Aidan par le col alors qu'il se disputait avec une Miss Shaw rouge comme une pivoine.

***

Le lendemain, lorsque Aidan descendit prendre son déjeuner, il trouva lady Blake attablée dans sa salle à manger, ses deux chiens assis de part et d'autre de sa chaise. Hadès était si grand que sa tête était à la hauteur du plat de saucisses qui l'intéressait bien plus que Cassandre qui croquait à belles dents dans une tartine recouverte de confiture. Tante Honorine siégeait en bout de table comme une reine et était visiblement très contente de la compagnie, humaine comme canine. Gaëlle lui préparait une assiette qu'elle accepta avec une bienveillance toute royale.

– Blake sait-il que vous fuyez la cuisine de Blake House Milady ?

– Fuir. Vous y allez un peu fort. Il y a besoin d'une petite reprise en main. Les petits plats de Marcel sont difficilement égalables, mais c'est tout à fait supportable, pas de quoi faire la fine bouche... la décoration par contre...

– Comment ! Vous n'appréciez pas le caveau... je veux dire la maison de Blake ?

– Pas de sarcasme mon petit Aidan, le tança tante Honorine. Ce pauvre garçon va s'inquiéter de votre absence ma belle, ajouta-t-elle en se tournant vers Cassandre.

– Je lui ai laissé un mot.

– Ce qui veut dire qu'il va débarquer chez moi comme une tornade d'ici peu. Je devrais peut-être aller à mon club.

– Je ne saurais que trop vous le conseiller. Il peut-être d'une humeur exécrable le matin.

Brogan eut un frisson.

– Komang !

– Oui monsieur, dit le majordome qui se tenait près de la porte. Je fais préparer vos affaires.

— Et une fois que je serais parti, veille bien à ce que mon bureau soit verrouillé. Je refuse de l'y laisser seul.

Devant le lever de sourcil interrogatif de Cassandre, il jugea bon d'ajouter :

— Pour l'instant il n'y a rien cassé, mais en toute honnêteté cela tient du miracle ou de ma chance de cocu.

— Aidan !!! S'exclama tante Honorine. Tu te trouves en compagnie de dames voyons !

Le jeune homme tourna la tête de droite à gauche à la recherche de ces oiseaux rares.

— Vaurien ! Tu peux bien te moquer des goûts de lord Blake, lui au moins sait se tenir. Et quand il ne le fait pas, il se montre si romantique ! Vous pensez bien que je l'ai vu, pas plus tard qu'hier, embrasser votre main non gantée Milady.

— Et voilà ! Un homme porte un titre et on lui pardonne tout, se plaint Brogan.

— Mon petit ! Pas besoin de titre. Quand un homme dépasse les six pieds, je suis déjà à moitié conquise.

— Créature superficielle !

La vieille dame gloussa comme une petite fille avant de s'exclamer :

— Je vais donc rester ici. Ce sera parfait. Lord Blake me tiendra compagnie lorsqu'il viendra chercher sa ravissante épouse.

— On dirait bien un guet-apens. Vous êtes le machiavel des salons londoniens tantine. Faites attention Milady, il se pourrait bien qu'une fois vos emplettes terminées, le si grand lord Blake se soit fait la belle avec la plus éblouissante des beautés anglaises.

— Si le cœur lui en dit, lança Cassandre en riant.

— Comment ça Honorine ? Vous ne venez pas avec nous ? Lui demanda Gaëlle qui ne goûtait guère l'humour d'Aidan.

— Je me sens un peu trop fatiguée pour courir les boutiques d'art ma petite chérie.

— Tiens donc ! S'il s'agissait de passer en revue tous les magasins de fanfreluches de la ville, nul doute que vous auriez trouvé l'énergie nécessaire. Vous êtes sélective.

— Quand tu auras mon âge, jeune impertinent...

— À moins qu'il ne s'agisse d'une ruse de votre part, continua-t-il, pour tenter de dissimuler un rendez-vous galant avec ce libraire si prévenant.

— Mais non.

— Mais si ! Je n'ignore pas ce bouquet de violettes que vous avez reçu hier. Vous êtes aussi rougissante qu'une débutante. Je tiens le fin mot de l'histoire. Et vous servir d'un honorable homme marié pour cacher vos penchants ! Honte à vous !

La vieille dame gloussa de plus belle.

Une demi-heure plus tard, Cassandre et Gaëlle quittait la maison dans l'impressionnante voiture armoriée des Blake. Aidan les suivait de peu.

— Que ma tante ne soit pas dérangée quand son gandin lui rendra visite surtout.

— Monsieur, il en va toujours ainsi.

— Komang, je ne peux donc pas compter sur vous pour veiller sur la vertu de ces dames.

— Monsieur, j'ai deux jeunes et belles filles, j'ai déjà bien assez affaire.

— Komang ! Tante Honorine t'a-t-elle soudoyé.

— Absolument Monsieur.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant