Chapitre 35 - Aidan avait raison

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Cela lui faisait mal de devoir l'admettre mais Aidan avait eu raison.

Lorsque Gaëlle s'était présentée, le lendemain de leur conversation, chez le premier notaire de sa liste, dans sa plus élégante robe, celle qu'elle ne mettait que pour les plus grandes occasions, c'était à peine si on avait daigné lui accorder un vague coup d'œil et encore n'était-il pas très amène.

Puis quand on vit, qu'elle était accompagnée de valets et d'une femme de chambre en livrées de qualité, les regards se firent suspicieux, comme si elle avait volé ce privilège à quelqu'un.

Elle qui avait toujours cru que la mode n'avait aucun intérêt aux yeux des hommes, devait avouer s'être trompé. Apparemment lorsqu'il s'agissait de peser les gens, toute information était bonne à prendre. Et son allure de pauvre orpheline à la recherche d'un maigre héritage les renseignait suffisamment. Elle ne valait pas le temps qu'elle ferait perdre à une honnête étude de notaires.

Finalement, de guerre lasse, on lui donna un rendez-vous dans quelques jours, pour parler à un obscur associé dont le nom ne figurait même pas sur l'enseigne de bois doré accrochée au fronton de l'immeuble cossu.

Elle rentra au 18 Theobald's Road alors que la nuit était tombée depuis longtemps, les épaules basses, découragée par toutes ces heures passées, assise, le dos droit et en tentant de paraître imperturbable sur cette chaise de bois bancale et inconfortable alors qu'elle voyait passer des clients qui eux étaient traités avec déférence.

La porte du bureau d'Aidan s'ouvrit alors que Komang lui demandait comment s'était passé sa journée. La diversion lui donna une excuse pour ne pas partager sa déconvenue avec le brave majordome. Plusieurs hommes en costumes sortirent de la pièce et la saluèrent galamment. Après toutes les vexations qu'elle avait reçues depuis le matin, cette simple marque de politesse lui donna presque envie de pleurer.

– Je vous apporterais les documents de la vente dès demain Monsieur, déclara un jeune homme blond. Il parlait à Brogan qui s'était appuyé sur le chambranle de la porte mais il dévisageait Gaëlle comme si elle était un ange tombé du ciel.

– Vous me l'avez déjà dit Daniels. Peut-être devriez-vous rentrer chez vous afin de vous reposer ? Vous paraissez surmené.

– Oui Monsieur. Je veux dire non Monsieur. Je rentre, bafouilla-t-il alors qu'il suivait imperceptiblement Gaëlle qui, gênée, tentait doucement de le contourner pour rejoindre l'escalier.

Brogan soupira et mis fin à cette scène étrange.

– Daniels, je vous présente Miss Shaw, la pupille de mon père, qui fait un séjour à Londres en ce moment. Miss Shaw voici Daniels, qui est un assistant surmené.

– Mais non Monsieur !

– Mais si Daniels. Maintenant sortez de chez moi avant que je ne demande à Komang d'exécuter sur vous quelques mouvements d'arts martiaux mortels originaires de son pays.

Le jeune homme pâlit, salua tout de même Gaëlle bien bas avant de prendre les jambes à son cou.

– Tu as de bien étranges employés, j'ai cru qu'il allait me découper en tranches.

Aidan fut pris d'un fou rire. Gaëlle le considéra un moment en se disant, qu'il avait perdu la raison.

– Voyons rouquine ! Tu ne vois pas qu'il te regardait avec des yeux de merlan frit éperdu d'amour.

– Pfff ! En premier lieu, je ne suis pas sûre qu'un merlan puisse être éperdu d'amour, même frit...

– Tu méjuges ces pauvres créatures...

Elle leva la main pour le faire taire.

– ET... Je ne suis pas assez jolie pour susciter ce genre de réactions. Je le sais bien, j'ai un physique sans intérêt. Je dois avoir une tache sur ma robe. Ce serait bien ma veine.

– Ta robe est très jolie. Un peu trop grise comme toujours mais c'est dans ton habitude. Qu'y a-t-il Gaëlle ? Je vois bien que quelque chose te perturbe.

– Tu avais raison. Elle lui avoua cela avec une voix de petite fille malheureuse. Je n'ai pas été reçue. J'ai bien vu comment le secrétaire à l'entrée de l'office m'a scrutée, il m'a regardée comme si j'étais une moins que rien.

– Même en ayant deux valets avec toi ?

– Et Suardika. Elle a voulu m'accompagner. Si elle voulait vivre une aventure la pauvre a été bien déçue.

– Chez qui as-tu été aujourd'hui ?

– L'étude Emerson et Landon.

– Ce sont les notaires les plus snobs de tout le pays ! Demain nous irons chez Madame Bailey pour te faire une armure. Et tu dois faire quelque chose pour ces rougissements dès qu'on t'examine un peu ! Tu ressemblais à un bouquet de pivoines et d'œillets d'Inde devant Daniels.

– Mais...

– C'était gênant.

– Moins que d'avoir ta tête d'andouille !

Elle empoigna ses jupes et monta dans sa chambre en pestant.

Quand les loups se mangent entre euxजहाँ कहानियाँ रहती हैं। अभी खोजें