Chapitre 64 (Partie 4)

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– Aux alentours de l'an mille ce genre de mouvements religieux n'était pas rare, continua Ludmilla, beaucoup étaient persuadés que la fin des temps approchait. Poussés au désespoir certaines personnes auraient été prêtent à suivre n'importe qui s'il leur promettant le salut ou simplement une chance de survivre à l'apocalypse. Des foules se mettaient en marche de manières spontanées dans le but d'accomplir un devoir spirituel quelconque qui leur permettraient de sauver leurs âmes immortelles. On connaît ces phénomènes sous le nom de croisade populaire, croisade des enfants ou des pastoureaux par exemple, le but de ces dernières était pour le petit peuple de marcher jusqu'à Jérusalem, mais il existait des manifestations moins "chrétiennes", disons. Et la Prophétesse, appelons-la ainsi, on ignore le nom de cette femme, a lancé l'une d'entre elle.

Elle prêchait en marchant à travers l'Europe pour un monde où les créatures surnaturelles ne vivraient plus cachées et traquées. Elles étaient puissantes selon ses mots, suffisamment pour ne pas avoir à supporter la honte et vivre dans l'ombre, en grappillant les miettes que voulaient bien leur laisser l'humanité. Mais pour cela elles devaient s'unir. Ensemble contre le reste du monde, formant un flambeau étincelant menant leurs troupes sous la lumière miroitante de la lune.

– Très poétique, mais très dangereux.

– Pour nous autres simples mortels, sans aucun doute.

– Mais je suppose puisqu'on n'en entend plus parler de nos jours, que la petite marche de la prophétesse n'a pas connue la fin qu'elle espérait. C'est un comble pour quelqu'un qui pouvait vois l'avenir.

– On peut le dire, répondit Ludmilla un curieux sourire planant sur ses lèvres, elle lut silencieusement quelques pages à voix basse dans sa langue avant de reprendre. Apparemment tout le monde ne partageait pas ses aspirations, même parmi les êtres doués de magie. Certains préféraient rester discrets ou ne voulaient pas cohabiter avec d'autres monstres.

– Tiens donc ! Pourtant les strygoïs, comme j'ai pu le constater sont de si bonne compagnie.

– Oui ! Ce sont des incompris, s'amusa la circassienne.

– Que s'est-il passé alors ?

– Des humains et des surnaturels se sont unis et leur ont donnés la chasse, à elle et à ses croyants qui ont été soit tués soit se sont dispersés aux quatre vents.

– Et la Prophétesse ?

– Elle et ses lieutenants les plus proches, les plus fanatiques, ont terminé sur un bûcher quelque part en Bulgarie actuelle.

Diana ne put contenir un frisson d'horreur en pensant à une mort aussi atroce. Elle se leva et commença à faire les cent pas dans le salon.

– Elle est peut-être morte mais, il y a fort à parier qu'elle ait semé des graines qui ont poussé jusqu'à nos jours. Pour une raison que nous ignorons encore, je crains que les choses ne se soient accélérées depuis quelques années et que les adeptes de ces anciennes croyances ne réunissent discrètement à nouveau une armée. Mais ils ont appris de leurs erreurs passées. Soit, vous êtes avec eux, soit, vous êtes contre et devez être éliminé.

– Votre ami et sa famille n'étaient pas des gens ordinaires, n'est-ce pas ? Diana hocha la tête.

– Et je sais que l'un des amis de son beau-frère devait épouser une jeune femme qui avait la capacité de lire dans les esprits, quand elle a refusé de les suivre, ils l'ont assassinée elle aussi, et ce n'est pas la seule d'après leur enquête, ajouta-elle.

– Et encore n'ont-ils connaissance que des cas de ceux qui vivent parmi nous, je suppose.

– Le monde est bien plus vaste que ce que nous ne l'imaginions. Mais quel est le but de ces gens ?

– Le pouvoir. Mon petit, c'est toujours le pouvoir. Ludmilla posa sa tête dans sa main et observa attentivement Diana, un sourire léger flottant sur les lèvres. Et vous ? Pourquoi vous battez-vous ?

– Je ne me bats pas !

– Bien sûr que si. Si ce n'était pas le cas vous n'auriez jamais quitté votre maison bien tranquille.

– Vous venez de dire que c'était toujours pour le pouvoir. Je veux peut-être devenir reine ou impératrice ?

– Soyez honnête. Ce genre de personnes veulent conquérir... régner... mais vous.

– Je ne sais pas.

– La vengeance ?

– À moi ils ne m'ont rien fait.

– Mais ils ont fait quelque chose à ce jeune homme. Mme Bergman sortit d'une de ces poches la photographie d'Arcas que Diana avait rangé dans sa malle.

Elle la dévisagea horrifiée.

– Vous avez fouillé dans mes affaires ! Elle se jeta sur elle pour la lui arracher des mains, mais se retrouva nez à nez avec le canon d'un pistolet. D'un geste Ludmilla lui ordonna de se rasseoir bien sagement.

– Ne soyez donc pas choquée ! Bien sûr que j'ai fouillé vos affaires. Je vous accueille sous mon toit. Je vous raconte mon histoire, celle des miens. Je veux avoir une idée de qui vous êtes vraiment. Vous croyez être la première à venir me poser des questions sur les monstres qui hantent notre monde ? Et vous pensez que tous mes visiteurs ont toujours eu des intentions honorables ? Je vous l'ai dit ma famille a appris beaucoup de choses au cours du temps et cela ne plait pas à tout le monde. Ma mère a été tuée par des strygoïs et mon grand-père... oh ! Je ne vous l'ai pas dit, a été dévoré par ce que les témoins ont décrit comme étant un être mi-homme, mi-loup. Alors vous ne m'en voudrez pas si je prends quelques précautions pour moi et ce qui reste de ma petite tribu.

Ludmilla regarda la photo.

– Absolument magnifique. Le genre d'homme pour qui n'importe quelle femme ferait des folies. Elle pourrait espionner, dénoncer, que sais-je ?

– Je ne suis pas là pour vous faire du mal et je n'ai rien à voir avec ceux qui s'en sont pris à vous. J'ignorais tout de votre existence avant que le docteur Menzies ne me donne votre adresse en me disant que peut-être vous pourriez-me donner des réponses. Je veux juste en apprendre au maximum pour aider Arcas, dit-elle en pointant de l'index la photographie. Je ne veux pas qu'il lui arrive malheur, il ne le mérite pas. Il est si... ridiculement courageux. Il fonce tête baissée vers des dangers dont il ignore tout. Je veux l'aider. Et je suis certaine que si vous le rencontriez, vous voudriez l'aider vous aussi. Et vous ne le regretteriez pas. Je vous dirais tout ce que je sais de mon côté. Vous pourrez tout consigner si cela vous chante mais en échange, vous me direz tout ce que vous connaissez sur ces monstres et leur histoire. Il n'y aura aucune entourloupe.

– Et qu'est-ce qui vous fais croire que vous savez quoi que ce soit que je ne sache déjà ?

– La bête du Gévaudan, ça vous dit quelque chose ? 

Quand les loups se mangent entre euxWhere stories live. Discover now