Chapitre 8 - La femme qui tombe à pic

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Voilà donc la salle à manger.

Cassandre jeta autour d'elle un regard courroucé. Les boiseries vermoulues dont les peintures s'écaillaient, cloquaient, semblaient la narguer. Mais comment une famille si riche pouvait vivre dans un tel taudis. Elle avait presque envie de gifler Jordan pour un tel laisser-aller, quant à son fils... cela la démangeait furieusement de lui faire subir à nouveau le même sort.

Cet imbécile, ce rat des villes, ce gosse de riche avait réussi à l'immobiliser quelques heures plus tôt !

Bien sûr, si elle avait vraiment voulu, elle aurait pu le réduire en charpie ! N'est-ce pas ?

Mais... il était fort. Vraiment.

Il fallait qu'elle se renseigne plus précisément sur les pouvoirs des Blake. Encore un point à ajouter à une liste de choses à faire qui devenait désespérément longue.

Elle alla s'asseoir à la droite du comte Bronson, essayant d'ignorer l'odeur âcre de moisissure qui lui agressait les narines et lui coupait l'appétit. En face d'elle son mari la jaugeait froidement.

Si elle avait pu le fusiller sur place, elle l'aurait fait. Devenir veuve commençait à sérieusement la tenter. Quel goujat ! Il ne s'était même pas donné la peine de lui avancer sa chaise. Brogan avait dévisagé son ami quelques secondes :

– Attendez Milady, laissez-moi vous aider. C'est un honneur. Vous êtes en beauté ce matin. L'air anglais vous convient à merveille.

– Monsieur Brogan, je serais ravie de vous croire sur parole, mais je sais déjà que vous êtes un vil flatteur.

Aidan avait décidé de repousser de quelques jours son retour à Londres afin de tenir compagnie à Blake. Gaëlle qui par la force des choses devait se plier à son bon vouloir s'était installée à l'autre bout de la table. Comme le jour précèdent, elle semblait prostrée, incroyablement gênée, pourtant tout le monde s'était montré aimable avec elle et on lui avait clairement fait comprendre qu'elle était la bienvenue. Peut-être était-elle seulement intimidée par le climat délétère qui régnait ?

Joshua était tendu, il ne fallait pas être un devin, pour s'apercevoir que la nuit de noces des Blake n'avait pas été aussi heureuse qu'on aurait pu l'espérer d'un jeune couple plein de santé pour parler crûment.

À chaque minute l'air devenait plus étouffant, les convives commençaient à s'agiter sur leurs chaises, mal à l'aise.

Joshua fit une remarque sur la tenue de Cassandre qui selon lui aurait mieux convenue à une paysanne.

– Mais c'est vrai que vous n'en étiez pas si loin hier encore.

D'abord elle ouvrit ses grands yeux, elle ressemblait à une toute petite fille, elle regarda sa robe, un peu perdue. Joshua déglutit. Elle n'allait tout de même pas se mettre à pleurer, il détestait cela.

Quand elle leva de nouveaux la tête, elle n'avait plus rien d'une gamine, et il oublia instantanément le vague sentiment de culpabilité qui l'avait saisi.

Elle voulait le déchiqueter et dénuda ses dents blanches, Joshua eut tout le loisir de s'étonner de la longueur de ses canines.

Un grondement de plus en plus sourd semblait émaner de la gorge de la jeune femme. Ses ongles avaient lacéré la nappe de lin blanc et attaquaient l'acajou de la table.

Son frère commença à s'ébrouer à son tour, et si sa sœur ne répondait pas elle-même aux allusions blessantes de son mari, Arcas se ferait fort de répliquer à sa place.

Joshua ne se laissait pas impressionner et toisait les jumeaux de ses yeux jaunes, croisant les bras sur sa poitrine et gonflant ses biceps à en faire craquer les coutures de sa veste.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant