Chapitre 75 (Partie 4)

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Arcas ordonna à un Cerby particulièrement mécontent de rester où il était et de veiller sur le masque du Lechi. Le molosse voulait en découdre et se voyait bien mordre à nouveau cette ordure qui avait voulu faire du mal à sa petite Toula. Mais malgré toute sa bonne volonté, il aurait du mal à s'insinuer dans la cachette de moins de deux mètres carrés de Blanchard avec son maître.

Il venait un moment dans la vie où il fallait tenir compte des règles élémentaires de la physique, même lorsqu'on était le chien d'un meneur de loups qui par définition bafouait ou bafouerait d'ici peu ces lois, en doublant de volume.

Le baron lui donna une petite tape sur la tête pour le consoler de ne pas participer à la fête avant de faire rouler les muscles de ses épaules sous sa veste. Ce n'était pas le moment de se faire un claquage. Puis il s'élança, courut sur la berge, là où la terre restait suffisamment solide pour ne pas ralentir sa foulée, bondit sur une souche qui dépassait de la vase, se déplia comme un ressort pour atterrir sur la petite plateforme. Avant même que Blanchard ne comprenne ce qui se passait Arcas lui appliquait la lame de son couteau sur la gorge. Le soldat le regarda un long moment sans saisir ce qu'il lui arrivait, ni comment cela était possible quand la lumière se fit dans son esprit, il tenta d'attraper le fusil qui lui avait échappé mais d'un coup de pied, Harispe l'envoya valdinguer en bas du promontoire.

– Bonsoir Blanchard. Comme on se retrouve ?

– Comment diable... Vous êtes fou ? Baissez-vous ! On va nous repérer et nous prendre pour cible. Qu'est-ce que vous me voulez ?

– Je viens vous saluer. Nous nous sommes ratés cet après-midi.

– Je ne vois pas de quoi vous parlez ?

Arcas posa son genou sur son plexus solaire et appuya jusqu'à ce qu'un craquement de mauvais augure se fasse entendre. Blanchard grimaça de douleur.

– Vous aimez bien vous embusquer en hauteur on dirait. La vue sur Kadikoï et l'auberge de Mrs Seacole était particulièrement intéressante de là où vous étiez poster. Je vous conseille de ne le pas nier l'évidence, j'ai vu vos empreintes, mon chien a reconnu votre odeur. Vous êtes bon tireur mais vous devez être un pisteur déplorable pour laisser un bazar pareil derrière vous.

– Bon sang ! Je ne voulais pas tuer Brogan. Juste ce foutu clébard !

– Tiens donc !

– Le chien a bougé au dernier moment. Brogan doit rester en vie ! Je n'ai aucun intérêt à le tuer, bien au contraire s'il meure j'aurais de sacrés emmerdements.

– Il serait stupide de se débarrasser de la poule aux œufs d'or ! Un joueur de cartes qui perd sans même se plaindre, ça arrondi les fins de mois difficiles !

– Ça n'a rien à voir.

– Et pourquoi ? Dîtes m'en plus cher ami ?

– Il a des dettes envers un anglais : Lord Crawley.

– Et qu'avez-vous à voir avec ce type ? J'ai du mal à vous imaginer en compagnie de nobles britanniques soit dit sans vous vexer

– Je l'ai croisé après la prise d'Alger où était posté mon régiment il y a plus d'une dizaine années. C'était une drôle de période. Un jour de perm, un compagnon d'unité m'a amené dans une maison de plaisirs un peu singulière. Le bonhomme y était, à la recherche d'exotisme. Il disait qu'il aimait voir les villes tomber, ce genre d'inepties sur la décadence et les empires moribonds. Il se trouve très intelligent et cultivé, il n'arrêtait pas de citer lord Byron, un poète paraît. Je sais pas qui est ce gars, mais si je le croise, je lui met mon poing dans la figure pour m'avoir gonfler des heures durant.

Quand les loups se mangent entre euxWhere stories live. Discover now