Chapitre 76 (Partie 3) - Vers Eyemouth

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– Je ne vois pas pourquoi tu te mets dans un état pareil ! Cria Gaëlle pour se faire entendre par-dessus le vent qui soufflait.

– Tu ne vois pas ? Cette histoire ne te rappelle rien ? Évidemment que non ! Tu étais si enthousiaste d'avoir retrouvée quelqu'un ayant connu ton père que tu n'as pas écouté un traître mot de ce que maître Cotton avait à raconter. Si ton père a quitté Londres c'est justement à cause d'une affaire similaire. Des jeunes filles rousses disparaissaient et on les retrouvait mortes, flottant dans des affluents de la Tamise. C'est curieux tout de même, de telles coïncidences.

– Tu ne sous-entends tout de même pas que mon père pourrait avoir un rapport avec ces horreurs ?

– Dans tous les cas, il en avait suffisamment peur pour s'enfuir de Londres comme un voleur !

– C'était à cause des Flambeaux qu'on a dû quitter la capitale. Et dois-je te rappeler que ce sont eux qui ont tué mes parents ?

– Alors peut-être que cette histoire est en rapport avec eux et ton père le savait.

Aidan faisait les cent pas au sommet de la colline que l'on appelait la table d'Arthur et qui surplombait la ville d'Édimbourg, ignorant le vent et le froid mordant, il tournait comme un lion autour de la jeune femme.

Lorsqu'il avait entendu le gardien du musée leur raconter l'histoire de cet Angus Seaghach, il avait ressenti la même angoisse sourde qui lui avait remuée les tripes lors de sa conversation avec le vieux notaire qui lui avait raconté comment était morte sa nièce et l'ignoble lettre que ses pauvres parents avaient reçue leur racontant où se trouvait la petite.

– Tu vas finir par me donner le tournis.

Il s'arrêta net devant Gaëlle. Il expira une longue bouffée de vapeur et tendit la main vers sa joue rougie par les bourrasques. Il suspendit son geste à quelques centimètres de son visage. Il regarda ses doigts, presque surpris de les voir animés par une vie propre à eux.

– Nous devrions descendre, finit-il par dire si bas qu'elle devina ses mots plus qu'elle ne les entendit. C'est magnifique ici, mais ce n'est pas la saison pour faire une balade, continua-t-il. Tu vas finir par attraper froid, rouquine.

Il lui pinça le nez. Ce qui lui valut une tape sur la main.

– Aidan Cornelius Brogan ! Tu as entendu Mr Bowie Macintosh tout à l'heure. Je suis une fille des Highlands, ce n'est pas une petite brise un peu fraîche qui va avoir raison de moi. Mais si ton sang de filou d'irlandais n'est pas capable de supporter un alizé écossais, je t'en prie, allons prendre une tasse de thé, je m'en voudrais si tu étais encore malade.

– Je n'étais...


***

Mrs Macintosh les accueillit avec un encas pantagruélique, car disait-elle, il ne fallait pas compter sur les marins pour produire quoique ce soit de mangeable sur un rafiot. Avant leur départ, toute la taverne y alla de son conseil pour supporter la traversée, le climat particulièrement clément et les locaux.

– Eyemouth était trop près de la frontière anglaise pour que la population soit tout à fait saine d'esprit, avait précisé Mr Bowie.

On les invita à repasser par Édimbourg dès que le cœur leur en dirait, ils seraient toujours les bienvenus.

À la nuit tombée, ils montèrent à bord d'un petit voilier en partance pour Eyemouth, le Queen Mab.

– Désolé les amoureux, s'excusa le capitaine, mais la seule cabine disponible a des lits superposés.

– Nous nous en accommoderons, le rassura Gaëlle.

Aidan dut se retenir de pousser un soupir de soulagement. Il allait peut-être réussir à dormir une heure ou deux cette nuit.

Quand les loups se mangent entre euxWhere stories live. Discover now