Chapitre 10 - Le château entre chiens et loups

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Cassandre se réveilla alors qu'il faisait encore nuit noire. Elle était en nage, l'image d'un homme en noir transperçant de son sabre le corps de son père la hantait, sa gorge la faisait souffrir comme si elle avait hurlé à s'en faire saigner les cordes vocales.

Sa chambre était si froide que même sous les couvertures, ses mains et ses pieds étaient glacés et sa chemise était moite de sueur. Elle sentait Artie grelotter dans ses bras, la pauvre chérie. Elle savait que dans de telles conditions, elle ne pourrait pas se rendormir, et elle se doutait qu'il serait tout aussi vain de tenter de ranimer le feu dans cette maudite cheminée. Elle s'enroula dans une robe de chambre de laine épaisse dénichée à Cattown avec Gaëlle dans la "fameuse" boutique Oxcross.

La porte était entrouverte. Elle était pourtant certaine de l'avoir fermée. Elle en activa plusieurs fois la poignée pour vérifier si le mécanisme était en état de marche, cela semblait être le cas. Tout allait de travers à Churbedley. Elle appela sa chienne pour qu'elle la suive. Elle quitta à regret la chaleur relative des couvertures en poussant un geignement plaintif.

– Ne te plains pas ! On va trouver un endroit plus chaud et peut-être une friandise pour toi.

Ce simple mot lui fit dresser les oreilles et frétiller d'excitation.

Une fois dans le couloir, elle discerna un bruit léger, presque un frôlement derrière elle, elle se figea un instant, huma l'air, mais rien d'inhabituel ne lui chatouilla les narines, seulement cette forte odeur de poussière et de moisi.

Ce château était comme un vieux gréement, il tremblait, craquait sous le vent. En repensant à sa traversée de la Manche, elle eut un haut-le-cœur et décida qu'il était temps de quitter ce couloir plein de courants d'air avant de mourir de froid.

Uniquement éclairée par la lueur d'un croissant de lune qui étirait ses doigts arachnides entre les croisées, elle rejoint la cuisine où elle trouva un feu toujours allumé et de l'eau chaude. Sous un torchon, il y avait un beau jambon. Elle en découpa un bout qu'elle déposa dans une écuelle devant Artie qui en salivait d'avance. Puis elle se prépara un thé qu'elle sirota près de l'âtre. Alors qu'elle errait entre le sommeil, le rêve et l'éveil, elle vit un éclair rouge au fond de la pièce, mais quand elle tourna la tête pour identifier clairement ce qu'elle avait vu, il n'y avait rien. Mais son chien se mit à gronder. Elle sentit les cheveux de sa nuque se hérisser. Elle essaya de réfléchir de manière rationnelle : une souris sans doute qui se sera glissée par cette porte entrebâillée qu'elle devinait à présent et qui devait mener aux caves, une très grosse souris rouge. Elle saisit un chandelier dont elle alluma les bougies et se dit que ce moment en valait bien un autre pour visiter Churbedley. Elle marcha vers la porte.

– Milady !

La surprise faillit lui faire lâcher le candélabre. C'était Marcel Devaux, le chef, il mitonnait chaque jour avec art dès l'aurore. C'était un homme sympathique plein de bonne volonté qui vit la venue de Cassandre au château avec autant de joie que si elle avait été le messie.

– Je venais faire le pain, Lady Blake. Mais il est si tôt, vous devriez être au chaud dans votre chambrette.

– Tout le problème est là.

– Je vois ce que vous voulez dire. La chambre des Dames est une vraie glacière à ce que l'on dit. On devrait l'utiliser pour conserver la viande, pas les jeunes mariées. Qu'est-ce que vous en avez à faire d'avoir la plus belle vue de la maison, si votre nez finit par tomber à cause du froid. De toute manière, elle est en si mauvais état... Comme tout le château d'ailleurs. Cette armée de serviteurs, asséna-t-il avec un geste vague, tous des fainéants ! Enfin ce sont surtout des peureux. Ils ne veulent pas monter dans les étages, d'ailleurs sans les généreux salaires, personne ne viendrait travailler ici.

Quand les loups se mangent entre euxWhere stories live. Discover now