Chapitre 67 (partie 4)

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Mr Mickaël les guida vers le fond du magasin. Et plus elles avançaient, plus les deux jeunes femmes étaient en mesure de se rendre compte que cette boutique, derrière sa modeste façade de style jacobéenne sans imagination ni fantaisie, était en réalité un long et immense entrepôt croulant sous des monceaux d'objets.

Bien sûr, le vieux dandy ne comptait pas leur faire emprunter le chemin le plus court. Il espérait bien vendre encore quelques babioles, chemin faisant, à la cliente la plus prestigieuse et la plus visiblement riche ayant passé le pas de sa porte depuis plus d'une vingtaine d'années.

Oh pas de misérabilisme ici ! Il n'avait pas à se plaindre et ne courait pas après l'argent de toutes les façons. Il menait une vie confortable. Mais quel plaisir tout de même de voir autre chose que des bourgeois ventripotents achetant au kilo et au mètre de quoi décorer leurs maisons tape-à-l'œil de nouveaux riches.

 Mais quel plaisir tout de même de voir autre chose que des bourgeois ventripotents achetant au kilo et au mètre de quoi décorer leurs maisons tape-à-l'œil de nouveaux riches

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Cassandre n'était pas dupe de ce tour du propriétaire mais contrairement à Gaëlle qui devenait fébrile et s'impatientait, elle ne laissait voir aucun signe d'agacement. C'était un jeu qui lui rappelait la visite des créanciers de son père à Arlon, sans la crainte de perdre les fauteuils ou la table du salon. Il lui fallait sourire, négocier, faire croire qu'elle pliait pour finalement ne rien concéder ou si peu. Elle et Gaëlle avaient tout leur temps, ce qui les mettait en position de force. Le but était bien sûr de trouver un tableau de la mère de Miss Shaw, Cassandre ne l'oubliait pas, mais ce n'était pas comme si elles avaient quelque chose de plus urgent à faire.

Elle avait décidé de laisser mariner Joshua le plus longtemps possible (question de fierté) et la chose n'était pas simple lorsqu'ils étaient seuls à Blake House, puisqu'il se ruait sur elle comme... un taureau en rut. Il était sûr de son charme, à raison, il fallait bien l'avouer et la question n'était pas si... mais quand elle céderait. À vrai dire eux aussi se livraient à un petit jeu, et à bien y réfléchir c'était aussi une négociation.

Pour espérer sortir victorieuse, chaque minute loin de son mari comptait. Il fallait bien qu'il comprenne qu'elle ne bradait pas son affection contre un peu d'attention de sa part après ce qu'elle avait enduré par sa faute. Elle s'arrêta un instant devant un lot d'objets hétéroclites. Elle décida d'acheter le ravissant bas-relief antique montrant Actéon dévoré par des chiens après qu'Artémis l'ait maudit. Cassandre le poserait dans la salle à manger, afin que Joshua puisse bien noter le message. Cette idée lui arracha un sourire.

Finalement le trio d'explorateurs déboucha sur une salle plongée dans l'obscurité.

Lady Blake, qui n'avait aucun mal à voir au plus sombre de la nuit nota les murs recouverts de toiles, des tréteaux, des portes-cartons, des chevalets. Mr Mickaël prit un instant afin de tirer les rideaux qui protégeaient les œuvres fragiles des brûlants rayons du soleil anglais (tout était relatif). Cassandre qui avait à présent une certaine idée de ce que représentait le mouvement romantique en peinture fut cependant comme submergée par des tombereaux de paysages tourmentés, de cauchemars hallucinés et les illustrations plus ou moins convaincantes de sans doute tous les poèmes qu'avait un jour pu écrire lord Byron et consorts.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant