Chapitre 76 (Partie 4) - Aux origines des Shaw

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– Nous sommes désolés monsieur, de faire irruption dans votre jardin, mais nous avons frappé à la porte un bon moment sans que personne ne daigne nous ouvrir. Or nous avons fait un long voyage pour rencontrer Me Lammermoor, tenta de justifier Brogan en saisissant le coude de son amie, toujours chancelante, pour qu'elle ne roule pas à nouveau dans les plates-bandes de bruyères.

Le petit homme ne polémiqua pas. Les yeux brillants, il fixait la jeune femme dont les cheveux hérissés de brindilles lui donnaient des airs de fée des bois.

– Gaëlle ! Finit-il par dire avant que son visage ridé ne s'orne d'un large sourire presque juvénile. Tu es littéralement le portrait de ton père. Sauf pour les cheveux. Tu possèdes les boucles flamboyantes de Cordélia. Tu es devenue une belle jeune fille dis-moi ! Cela fait presque vingt-ans. J'ai du mal à le croire. Et vous Monsieur, vous êtes... ?

– Et bien...

Aidan se demandait s'il devait révéler sa véritable identité ou utiliser celle de Wescott, cet homme aimait jouer avec les fausses identités après tout.

– Vous ne seriez pas le fils d'Aloysa ? Cette question le coupa dans ses réflexions et le laissa sans voix. Comment cet homme pouvait connaître le prénom de sa mère ?

– Vous êtes bien Me September ? L'interrogea Gaëlle qui semblait s'être reprise et voulait s'assurer de qui elle avait en face d'elle.

Le vieil homme sembla alors réaliser où il se trouvait et il lança un coup d'œil inquiet à la ronde pour vérifier qu'ils n'avaient pas de témoin. Après une hésitation, il posa un index sur sa bouche puis leur faire signe de le suivre à l'intérieur du Cottage. Il déverrouilla la porte de l'arrière cuisine et les invita à se mettre au chaud. Il déposa son panier rempli d'herbes sauvages près du poêle sur lequel il installa une bouilloire avant de les inviter à s'asseoir.

La pièce était basse de plafond et il y régnait une douce chaleur chargée d'un parfum de cannelle et de clou de girofle. Les tomettes de terre cuite brillantes, les murs peints à la chaux, les fenêtres aux verres biseautés et les boiseries de chênes donnèrent le sentiment à Gaëlle de s'être introduit par un sortilège étrange, dans un intérieur paisible peint par Vermeer ou l'un de ses compatriotes hollandais du XVIIème siècle. Ils étaient comme suspendus dans le temps et ni Aidan, ni elle, ne semblaient vouloir prendre le risque de briser cette magie, ils restaient donc immobiles regardant le vieil homme préparer le thé en chantonnant.

Il se rendit à la fenêtre, près de laquelle était suspendu un mobile de cristal et d'argent. Il le fit tinter avant de le faire tournoyer à toute vitesse. Les facettes envoyaient des éclats multicolores sur les murs. Seulement alors, il prit la parole.

– On n'est jamais assez prudent, croyez-en ma longue expérience.

Comme si cette explication éclairait son geste !

– Cela fait bien longtemps que j'ai abandonné l'identité de Me September. Ce fut sans regret. Ici tout le monde me connaît comme Lammermoor, et cela me va très bien. Je préfère ne plus pouvoir être relié à cette période de ma vie où je vivais à Londres. Mais pour toi ma petite, je peux faire un effort et oublier mes réserves. Je suppose que tu as beaucoup de questions. Aloysa a bien fait de te parler de moi, je ne lui en veux pas, n'aie pas peur.

– Je dois vous avouer que je suis... troublée. Excusez-moi, mais Mrs Brogan ne m'a jamais parlé de vous. Elle est décédée il y a deux ans sans m'avoir révélé quoique ce soit à votre sujet.

– Ni à mon père je pense, ajouta Aidan. Il a passé des années à essayer de vous retrouver pour savoir ce qu'il en était de l'héritage de Miss Shaw. Il n'aurait pas fait tant d'effort et dépensé tant d'argent en vain si elle lui avait dit où vous vous cachiez.

Quand les loups se mangent entre euxWhere stories live. Discover now