Chapitre 74 (Partie 1)

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Jimmy accompagna Mrs Seacole, Diana et Spider dans leur périple vers la Crimée. Diana ne savait pas si elle devait s'en réjouir. N'était-il pas plus en sécurité à Constantinople ? Elle était prête à se passer du plaisir de sa compagnie pour qu'il reste à l'abri. Mais le petit n'avait rien voulu entendre. Lui aussi désirait se rendre utile, faire son devoir et revoir Harispe par la même occasion. Il était son ami, il lui manquait et il en avait assez d'être couvé par une armée de fichues bonnes femmes. Toutes à lui pincer les joues et à lui donner des ordres ! Et mange tes légumes ! Et lave tes mains ! Et est-ce que tu t'es bien frotté derrière les oreilles ? En quoi cela les concernait-il ? Il était beaucoup trop indépendant pensait l'infirmière. À son âge, il aurait dû être sur les bancs de l'école, à jouer à la balle, pas courir les champs de bataille en tentant d'éviter des projectiles autrement plus dangereux ! Mais il n'était pas son fils et Diana n'avait donc pas son mot à dire malheureusement.

La traversée sur un petit vapeur de commerce chargé de tout ce que Mrs Seacole avait pu emporter de fournitures médicales en provenance de Constantinople leur prit quatre jours. Les vents hivernaux glacés de la mer Noire n'avaient pas aidé à rendre leur périple paisible mais tous les trois s'y étaient attendus, ils ne faisaient pas un voyage de plaisance, ils étaient en mission tous à leur façon. La pauvre Spider exceptée. Elle, n'avait rien demandé. La pauvre bête tremblait sur ses pattes frêles en essayant de garder l'équilibre. Sa maîtresse lui tricota un petit chandail de laine bleu pour la protéger des intempéries. À présent, elle était ridicule, mais ne souffrait plus du froid.

Ils furent tous heureux d'enfin atteindre le port de Balaklava et de nouveau toucher la terre ferme.

Spider se mit à courir comme une petite folle sur le quai et Diana eut bien peur qu'elle ne retrouve ses habitudes de chien des rues, filant vers n'importe quel étranger armé d'un morceau de poulet.

- J'avais jamais vu de rat portant un pull, s'étonna en riant un marin qui déchargeait un bateau d'une cargaison de viande salée en voyant courir la chienne qui l'ignora royalement, qu'importe ce qu'il avait sur l'épaule. Diana ne put retenir un sourire. C'était bien son chien.

Et à peine ses pieds posés sur le débarcadère, Jimmy décampa, il devait transmettre quelques lettres à des officiers restés sur les lieux des opérations de la part de ceux, peut-être moins courageux, qui avaient préféré profiter du confort de la capitale de l'empire Ottoman.

L'adolescent, avant de s'élancer, prit tout de même le temps de faire un clin d'œil impertinent à Diana en tapotant sa poitrine. Il n'oubliait pas la tâche qu'elle lui avait confiée un peu plus tôt.

C'est là, dans la poche intérieure de son manteau, qu'il avait glissé la missive qu'elle destinait à Arcas.

Une lettre sage, circonstanciée, pas de digressions licencieuses, des faits, seulement des faits : elle était arrivée sur la péninsule de Crimée ce matin, allait aider Mrs Seacole à construire une pension pour venir en aide aux malades notamment. Il était libre de donner un coup de main s'il avait du temps libre et si le cœur le lui disait, mais il devrait bien se tenir et elle le voulait irréprochable en public. Pas de marques d'affection quelles qu'elles soient ! Elle avait marqué cela en majuscule.

Elle ne l'avait pas précisé car cela allait de soi, mais en absence de témoin bien sûr... ce serait une tout autre histoire.

Elle n'osait pas formuler quoique ce soit. Séparés par une mer, cela était une chose, mais lorsque son bel officier n'était qu'à quelques kilomètres, elle se sentait moins aventureuse que dans ses dernières missives et des peurs secrètes qu'elle croyait depuis longtemps oubliées resurgissaient et la plongeaient dans l'ombre.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant