Chapitre 11 - Une visite matinale

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Joshua, Aidan et Arcas rejoignaient les écuries, pour une énième promenade matinale.

Elle durerait peu de temps aujourd'hui. Brogan avait prévu d'écrire un certain nombre de courriers à quelques connaissances avec lesquelles il était en affaires et qui lui devaient quelques faveurs. Il espérait grâce à elles obtenir le plus rapidement possible pour Arlon une charge d'officier dans les transmissions interarmées. Grâce à sa maîtrise parfaite de plusieurs langues, il ferait un excellent messager entre les contingents français et anglais. Surtout, il jouirait d'une certaine liberté qui, ils l'espéraient tous, lui permettrait de mener discrètement l'enquête sur l'identité des hommes en noirs.

Hélas, cette journée ensoleillée qui avait débuté sous les meilleurs hospices puisque les deux beaux-frères semblaient s'être mis d'accord pour une trêve, pris un tour amer. Deux hommes vêtus d'uniformes noirs et portant des chapeaux melons se tenaient devant la porte. Ils affichaient les moustaches cirées réglementaires. Leurs visages étaient d'une banalité parfaite. Arcas qui avait ouvert la porte en riant d'une plaisanterie d'Aidan, figea son sourire en une grimace aigre. Il en avait entendu parler, mais jamais il ne s'était retrouvé en face d'eux. D'où il était, Joshua cru voir les poils de la nuque de son beau-frère se hérisser.

– Messieurs. Je me présente, commissaire Gate et voici le lieutenant Costa. Nous aurions souhaité parler à Monsieur Harispe et sa sœur.

La bouche d'Arcas se tordit comme s'il venait de goûter une liqueur âcre. Il s'inclina pourtant légèrement vers les deux enquêteurs.

– Je suis le baron d'Arlon. Je suppose que c'est à moi que vous faisiez référence.

D'une voix toujours neutre, Gate s'expliqua :

– J'ignorais que vous aviez endossé ce titre.

– Mon père mort. Je n'avais guère le choix.

Joshua sentait la tension d'Arcas monter. Il aurait volontiers mis ces deux types à la porte, mais cela voulait dire plus d'ennui par la suite.

– Messieurs. Lord Blake et Mr Brogan, dit-il en se désignant lui et son ami.

– Suivez-moi, les invita Joshua qui les mena dans un petit salon. Mon épouse dort encore à cette heure-ci. Votre visite est particulièrement matinale. Il mit dans ces derniers mots, tout ce qu'il pouvait du ton d'un pair du royaume offensé par les manières rustaudes de petits fonctionnaires.

Gate lui concéda un sourire sans une pointe de contrition.

– Nous sommes arrivés par le train de 6h30 et notre emploi du temps est chargé. (Contrairement au votre, sous-entendu). Joshua se crispa davantage. Un crime comme celui qui a touché votre belle-famille mérite d'être éclairci. Pourriez-vous faire venir Mrs Blake ?

– Lady Blake, le reprit Joshua. Je vais la chercher. J'espère que vous n'êtes pas pressé.

– Dites-lui de se dépêcher.

Arcas se redressa sur son siège. Aidan se mit à toussoter, mal à l'aise.

– Commissaire Gate ? C'est cela ? Vous demandez à ma femme de se dépêcher ?

La voix de Joshua avait une teinte métallique. Un manque de respect aussi flagrant aurait fait hurler toute la bonne société anglaise. Blake se força au calme, mais il n'avait qu'une seule envie, réduire ce mollusque à l'état de bouillie. La veille, il s'était encore disputé avec Cassandre qui lui avait aboyé qu'elle voulait l'annulation de leur mariage au plus vite et il était presque tenté de lui concéder, mais il n'était pas prêt à supporter la moindre faute d'étiquette à l'égard de son épouse, surtout venant d'un scribouillard sans manière. Oui il était snob !

Quand les loups se mangent entre euxWhere stories live. Discover now