Chapitre 76 (Partie 2) - Les résurrectionnistes d'Édimbourg

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Lorsque les deux jeunes gens débarquèrent à Leith, le port d'Édimbourg, Aidan était épuisé. Il avait passé quatre jours et quatre nuits sans pouvoir fermer l'œil. Il avait le dos en compote et une tête de déterré. Il était quasiment certain d'avoir moins bien dormi que cette Mrs Cabell après qu'elle ait été poursuivie dans l'hôpital de Scutari par le monstre, dont à présent les doigts flottaient dans un bocal de formol dans un tiroir de son bureau londonien. Il fallait absolument qu'il pense à se débarrasser de ces horreurs, si tante Honorine tombait dessus, elle en aurait une attaque... ou pas. Il avait encore du mal à assimiler que l'honorable vieille dame, qui lorsqu'il était enfant soufflait sur ses genoux écorchés, avait toutes les compétences d'une criminelle internationale, et qu'elle était certainement dotée de nerfs d'acier s'amusa-t-il. Et dire qu'il y a quelques mois il veillait à ne pas avoir de rendez-vous à l'heure de sa sieste, pour ne pas prendre le risque de la réveiller trop brusquement en faisant du bruit.

Chaque matin de leur périple, l'avait cueilli d'une humeur encore plus massacrante et paranoïaque que le précédent. Et il en avait presque honte, mais il s'était défoulé sur tout passager de l'Insubmersible ayant eu l'outrecuidance de croiser sa route. Il s'était comporté comme un ours mal léché. Joshua avait du souci à se faire, à ce rythme, il aurait bientôt de la concurrence sur le podium des plus grands grincheux britanniques.

Lorsque le bateau accosta enfin, Aidan marchait sur des charbons ardents. Il jeta littéralement leurs bagages par-dessus le bastingage, arrachant un cri d'angoisse à Gaëlle qui avait bien cru qu'ils n'atteindraient pas le quai.

C'est cela ! Jubila-t-il. Qu'elle souffre un peu elle aussi ! Avec ses taches de rousseur et ses ravissants petit pieds. Depuis quand s'intéressait-il aux pieds ? C'était bien la peine de se moquer des goûts fétichistes de Blake pour la lingerie fine. Par ailleurs, les pieds de Jane ne l'avaient jamais particulièrement intéressé, s'étonna-t-il. Il avait noté qu'elle en avait deux, ce qui était commode et qu'elle les chaussait de petites bottines en cuir solide. Pour sa défense, Bien qu'ils aient sans doute été ravissants, elle ne lui avait jamais mis sous le nez comme Gaëlle la veille. Souffrant d'un de ses cauchemars récurrents et gigotant comme une furie, elle lui avait presque collé ses orteils dans les narines. Une expérience désagréable. Il devait pourtant avouer, qu'elle aurait pu être bien pire. Tout le monde ne pouvait pas se vanter de sentir la lavande ou d'avoir la peau douce comme un siopao* cuisiné par les mains expertes de Widiarta, l'épouse de Komang. Il l'aurait mordue pour voir si elle était aussi moelleuse qu'une brioche cuite à la vapeur, si elle ne lui avait pas claqué le museau d'un revers de peton avant de s'enrouler dans sa couverture et de retrouver un sommeil apaisé.

Ce qui n'avait bien sûr pas été son cas.

Il avait passé le reste de la nuit à énumérer les raisons pour lesquels il aurait mieux fait de rester dans son confortable foyer londonien.

Premièrement, il était violenté par une rouquine impertinente et deuxièmement, il était la cible des quolibets.

Les passagers et les membres d'équipage avaient évidemment tiré leurs conclusions de son humeur de chien hargneux : il semblait y avoir de l'eau dans le gaz entre les jeunes mariés.

Il avait même entendu un marin s'esclaffer lors d'une de ses balades sur le pont :

– Je suis certain que celui-là, il dort à l'auberge du cul tourné. Ça me mettrait en rogne moi aussi si j'avais une bourgeoise aussi jolie.

– Ouai, mais la tienne elle est moche comme une araignée de mer...

Mais s'en était bien fini, il quittait l'Insubmersible.

Et il était bien tenté de racheter ce fichu rafiot seulement pour avoir le plaisir de le couler et son équipage avec !

Il attrapa Gaëlle par le coude et la fit descendre au pas de course. Il récupéra leurs bagages, la tirant toujours par le bras sans lui laisser le temps de saluer qui que ce soit et la tracta sans ménagement le long des débarcadères.

Quand les loups se mangent entre euxWhere stories live. Discover now