Chapitre 58 (Partie 5)

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Ronald le salua dès son arrivée. L'expression de soulagement mêlée d'inquiétude du majordome lorsqu'il se tourna vers Lady Blake pour lui parler du déjeuner, en disait long sur ce que pensait le personnel de la santé de la maîtresse de maison.

Sans plus attendre cependant et avec un enthousiasme enfantin qui gomma un peu la fatigue de son visage, elle entraîna son mari dans un tour du propriétaire.

Il ne pouvait nier que depuis son départ, Cassandre avait sérieusement repris le château en main. Il ne s'attendait pas à le trouver si chaleureux et vivant. Comme si laver, récurer les sols et les murs avait éloigné les esprits pour un temps.

– J'en ai profité pour graver quelques protections aux endroits clefs, lui murmura-t-elle alors qu'appuyée sur son bras elle montrait avec fierté les rénovations et des aménagements qu'elle avait entrepris.

– Et j'ai l'impression que les fantômes sont comme les chauves-souris, ils n'aiment pas l'agitation, ajouta-y-t-elle.

– Il ne faut pas faire de généralités, cela dépend de qui on a en face de soi, de la colère qu'il ressent, de la façon dont il est mort et de l'endroit bien sûr.

– Je rêve ou nous venons de parler de fantômes sans que vous ne vous bouchiez les oreilles en criant : lalala je n'entends rien !

Il lui lança un regard en coin et lui sourit. Il en profita pour l'observer avec attention. Il ressentait un intense sentiment de malaise alors qu'il avait la main posée sur la sienne. Il aurait pu penser, il y a encore quelques temps, que cela était dû à sa gêne vis-à-vis de leur mariage arrangé, mais il avait dépassé cela depuis. Il se souciait d'elle. Beaucoup. Et en un sens alors qu'il était à Londres incapable de la chasser de son esprit, même avec l'aide empressée de Margaret, il s'était aperçu qu'elle faisait partie de sa famille, bien avant de la rencontrer. Le comte avait tracé un cercle autour de lui, et y avait inclus les Harispe, cela ne servait à rien de le nier.

Il voulait aider Cassandre, même si cela nécessitait pour lui d'affronter ses peurs infantiles et de réveiller des choses enfouies. Il le ferait pour elle, pas pour son père, mais pour cette petite harpie.

Et son instinct lui disait qu'une jeune femme jusqu'alors en pleine santé, débordante de vie et d'énergie, ne pouvait pas si rapidement se retrouver dans un tel état d'épuisement, il y avait une explication et il serait étonnant qu'elle ne soit pas surnaturelle.

Après lui avoir montré les fameuses fresques de la grande galerie qu'il admira un long moment, troublé par le visage enjoué de cette Perséphone, elle le conduisit sans en avoir l'air vers les appartements du comte.

– Vous croyez que je ne vois pas où vous m'emmenez ?

– Il faudra bien que vous le saluiez à un moment ou à un autre !

Il grogna ce qui ressemblait vaguement à un assentiment.

– Ne faites pas l'enfant. Et soyez gentil avec lui, lui ordonna-t-elle en réajustant sa cravate.

– Sinon je serais privé de dessert ?

– J'ai demandé à Marcel de préparer sa fameuse tarte aux poires.

– C'est une de mes pâtisseries préférées !

– Je sais. Il serait si dommage qu'elle vous passe sous le nez.

– Ma parole ! C'est une menace !

– Absolument.

– Bien, finit-il par maugréer. Vous êtes une mégère, vous l'ai-je déjà dit ?

– Si vous croyez que je me souviens de tous les noms d'oiseaux auxquels j'ai eu droit !

– Vous ne m'avez pas non plus épargné, pas plus tard que ce matin, vous m'avez comparé à un ours.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant