Chapitre 12 - Cauchemars et meneurs de loups

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Joshua ouvrit les yeux, ses paupières étaient lourdes, il glissa son bras sur le côté droit du lit, espérant rencontrer le corps chaud et tendre de Margaret, mais il était seul. C'est vrai se souvint-il, il était au château. Son corps se crispa soudainement, là, dans la lumière aveuglante d'une fin de matinée d'août, il y avait quelqu'un. Assise à sa fenêtre une femme brodait paisiblement, elle portait une robe de velours incarnat et ses longs cheveux noirs étaient retenus par une résille d'or brodée de perles. Un homme en pourpoint debout derrière elle, dans la lumière du soleil qui éclaboussait les vitres lui massait les épaules. Joshua devinait leurs sourires. La jeune dame se mit à fredonner un air très doux.

Il n'y avait pourtant rien d'inconvenant dans ce spectacle mais il se faisait l'effet d'un voyeur. Il voulut rouler sur son lit pour retrouver le sommeil.

Brusquement, la dame se tourna vers lui, son visage n'était qu'un abysse sans fond.

Avec horreur il se sentit aspiré par cet abîme, il s'agrippait aux draps, mais une force invisible et glacée plantait ses griffes dans ses cuisses, lui lacérait la chair, le crochetait et le traînait vers ce trou béant, ignorant ses efforts pour fuir, ses cris de douleurs, ses insultes de frustration face l'inévitable. Joshua faiblissait, alors que l'attraction était infatigable. Le gouffre s'étendait, l'entourait et déjà le jour n'était qu'un point qui s'éloignait, il tendit la main pour le retenir dans un geste aussi vain que désespéré. Le souffle commençait à lui manquer comme si l'air lui-même suivait le chemin de la lumière, aspiré dans un sifflement assourdissant.

Il perdit connaissance.

Il se réveilla en suffocant, ses poumons à la recherche d'oxygène souffraient à chaque inspiration. Sa gorge lui faisait mal. Ses jambes le lançaient.

Il se leva en titubant aussi sûr de ses pas qu'un faon, et ouvrit en grand ses fenêtres. Il faisait une chaleur étouffante, il était trempé d'une sueur acide. Saisi de vertige, il dut s'agripper au parapet pour ne pas basculer dans le vide. L'éblouissante pleine lune lui blessait presque les yeux, mais sa lumière le réconforta un instant.

Il devait partir.

Cet endroit le tuait, presque un mois qu'il avait quitté Londres, un mois que ses seuls contacts avec Margaret se cantonnaient à leurs lettres et il avait l'impression de perdre à la fois ses repères et sa raison.

Les ombres se faisaient plus pressantes, plus agressives, il les voyait à toute heure du jour et de la nuit. Là, une procession hérissée de piques sur les remparts, ou une masse noire qui bouillonnait dans la cour et ici, il entendait des coups sourds provenant de sa garde-robe.

Il fallait qu'il quitte le château, immédiatement. Il enfila un pantalon, une vieille paire de botte, saisit sa chemise au vol et sortit au pas de course, se gardant bien d'emprunter le petit escalier de la tour. C'est de celui d'apparat qu'il dévala les marches. Il donna un coup d'épaule à la lourde porte d'entrée et accueilli l'air frais de la nuit comme un bain purificateur.

Il évita le ruisseau et s'élança au hasard vers la forêt. Enfin il respirait. Malgré la chaleur, il se sentait plus à l'aise. Il suivit un chemin, puis un autre, son esprit seulement occupé à s'éloigner de Churbedley.

Il perdit la notion du temps et de l'espace sous les frondaisons où les rayons de lune créaient des barreaux de lumière qui le repoussaient toujours plus loin. Le hululement des chouettes et le chant des grillons brisaient le silence apaisant de la nuit et formaient une musique qui rythmait ses pas comme un métronome.

Au bout de combien de temps... il ne saurait le dire... il déboucha sur la croisée de cinq chemins ?

Complètement désorienté, il tourna sur lui-même encore et encore.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant