Chapitre 6 - Une ligne droite avant un premier regard

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Il fallut deux jours avant que les vents ne se calment suffisamment pour qu'une traversée soit envisageable.

Après avoir posé un orteil à bord du Brave Petit, Cassandre le regretta immédiatement, car de toute évidence à la différence du comte et de son frère, qui eux semblaient être dans leur élément sur les eaux, elle n'avait pas le pied marin. Tout ce qu'elle réussissait à articuler, c'était qu'elle allait mourir et que si elle survivait, elle ne ferait le trajet inverse que lorsqu'on aurait creusé un tunnel sous la Manche.

Arrivés à terre, ils n'eurent pas le loisir de jouir d'un repos bienvenu. Ils durent prendre le premier train au cœur de la nuit pour espérer arriver dans le Gloucestershire à temps. C'était ridicule, ne pouvait-on pas simplement repousser de quelques jours ? Se demandait Cassandre. Elle ressemblait à un cadavre verdâtre, elle ne pouvait tout de même pas se marier dans cet état, même si les Blake avaient certaines affinités avec les morts, elle aurait voulu être à son avantage pour une telle occasion.

Enfin, après trois changements de train, une diligence et quelques péripéties, ils arrivèrent dans le district de la Forêt de Dean, au château de Churbedley.

Celui d'Arlon ressemblait à un jouet pour enfant en comparaison.

C'était une bâtisse massive, composée d'éléments architecturaux hétéroclites, hérissée de tours, de chemins de rondes datant du douzième au du dix-septième siècle. On la croirait tout droit sortie d'un roman gothique d'Ann Radcliffe.

Souriant, et visiblement soulagé de les voir enfin arrivés, l'intendant, Monsieur Hawkins les attendait derrière les remparts sur le perron du logis.

– J'ai pu repousser la cérémonie à cet après-midi. Mais pas davantage, notre pasteur doit se rendre au Pays de Galle pour voir sa mère malade et celui de la paroisse voisine n'est pas à l'aise dit-il avec les dispenses de bans et... les papistes, déclara le jeune employé.

– J'ai toujours pensé que ce révérend Snuff était un imbécile péremptoire, quelle idée a eu Dunwoody de lui fournir une cure ! De moi il n'aurait eu que des coups de canne.

– Que vous êtes violent Mr le comte. Je suis choquée ! S'exclama Cassandre. Et pourtant je ne suis qu'une affreuse papiste.

– Moi qui voulais que vous ayez une bonne impression de nos concitoyens ! Je suis consterné, mais je vous propose de rejoindre tout de suite vos chambres pour prendre un peu de repos. Ma pauvre enfant, dit le comte en lui offrant son bras, vous êtes plus pâle qu'un linge. Dieu du ciel, mais vous tremblez ! Je vais faire appeler le docteur Filton.

Une terrible inquiétude s'était peinte sur son visage. Cassandre pensa que lui aussi avait été mis à rude épreuve, ses traits étaient creusés, des cernes violacés soulignaient ses yeux.

– Ne vous alarmez pas, je vais bien. Allez dormir un peu. Si vous vous sentez trop las, ne faisons pas d'imprudence, nous repousserons encore, ce ne serait pas si grave ! Je veux que mon beau-père ait belle allure à l'église. Il lui fit un baisemain avant de la guider vers l'escalier.

– Une petite sieste me remettra d'aplomb mon petit, rassérénez-vous.

***

On la mena vers sa chambre, une pièce aux belles proportions, mais qu'elle trouva dans un état de délabrement avancé et qui surtout était littéralement gelée, les fenêtres étaient recouvertes de givre et ce n'était pas ce petit malingre feu qui grésillait dans la cheminée qui allait y changer quelque chose.

Elle demanda à ce qu'on fasse monter un tub remplit d'eau bien chaude, il fut installé dans une petite pièce attenante qui heureusement était mieux chauffée et qui servait de salle de bain.

Quand les loups se mangent entre euxWhere stories live. Discover now