Chapitre 69

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Joshua ne pouvait s'empêcher d'être inquiet.

Il tendit à regret le petit sac de cuir noir à sa femme, il jurait un peu avec son élégante robe d'un bleu moiré, mais il contenait le deuxième pistolet qu'elle avait promis d'emporter. L'autre était comme toujours, discrètement caché sous ses jupes. Elle était encadrée par Hadès qui était beaucoup trop gentil aux yeux de son mari pour être un bon chien de garde et par Artie qui elle était un peu trop petite et... mignonne pour avoir un quelconque effet dissuasif. Aucun bandit ne se laisserait impressionner par un chien de vingt-cinq kilos ressemblant à un pompon roux. Si Cassandre pouvait se balader avec sa version "nuit de pleine lune", cela l'aurait rassuré.

Elle et Gaëlle passeraient par Bloomsbury afin de récupérer au passage les deux valets de pieds de Brogan. Pourtant cela ne suffisait pas à apaiser Lord Blake. Il sentait naître une menace, il était incapable de savoir d'où elle viendrait, ni quand elle frapperait, néanmoins cela ne présageait rien de bon.

C'était léger, comme le commencement diffus d'une migraine, il n'était pas même pas certain de savoir quand cela avait débuté, cela pouvait être la nuit dernière comme il y a des mois. Mais la dernière fois qu'il avait ressenti un tel malaise, sa sœur était morte.

Même s'il savait que Cassandre était en mesure de se défendre, il ne pouvait s'empêcher de penser que s'il lui arrivait encore malheur, il devrait être à ses côtés.

Pour le principe, il tempêta un bon moment. Il voulait être certain qu'elle n'oublierait pas de rentrer avant la nuit. Elle se contenta de lui offrir un sourire tranquille, elle n'était pas dupe de cet accès d'autoritarisme après l'avoir vu se lamenter comme un enfant un peu plus tôt. Il se serait giflé de s'être montré si pitoyable, et devant témoin en plus ! Aidan allait se payer sa tête, il voyait bien son œil qui frisait, le bougre fourbissait déjà ses armes.

Les deux jeunes femmes parties à l'aventure, Joshua se tourna vers son ami, les sourcils froncés, ses yeux jaunes jetant des éclairs. L'irlandais se mordit la langue pour retenir les bons mots qui lui venaient à l'esprit, il avait sans doute envie de poursuivre sa vie encore un peu.

– Tu as fait travailler un décorateur chez toi il y a quelques temps ?

– Oui, répondit lentement Brogan.

– Nous allons lui rendre une petite visite.

– Souhaiterais-tu qu'il décore la tanière de ta future meute de louveteaux ?

– Si tu n'y prends pas garde, je ferais en sorte de t'épargner de n'avoir jamais à penser à ce genre de détails.

Aidan ne put se retenir d'éclater de rire plus longtemps, la vie n'était pas si importante.

– Dépêchons-nous. Ton bonhomme et son équipe vont avoir du travail apparemment. Je les aimais bien ces rideaux bon sang ! Ronchonna-t-il.

– Et ces horribles chaises qu'on trouve partout dans cette maison aussi, je suppose ?

– Elles ont l'avantage de ne pas se briser sous mon poids.

En repensant aux bruits sinistres produits par les élégants sièges de son bureau sous les deux-cent livres de son ami, il se dit que s'il avait mauvais goût, au moins avait-il deux sous de bon sens.

***

La voiture les conduisit en face de la cathédrale St Paul. Cette dernière était nimbée d'une brume épaisse, qui chargée de particules noires, laissait sur les vêtements une fine pellicule grasse et écœurante. Il faisait froid à pierre fendre cet après-midi et les londoniens se chauffaient à grand renfort de boulets de charbon, saturant l'air de suie.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant