À LA TÊTE DU CARTEL : II

Chapitre 25 - Guide

Le froid glacial vient subitement lui fouetter le visage tandis que le gel présent dans l'air cristallise instantanément ses sourcils et poils de nez.
Sous l'effet du grand froid, Louisa projette un large nuage embrumée de sa bouche.

—Olala ! Il fait froid ! C'est horrible ! Il fait combien ici ?!
—On est à -43 degrés Celsius mais avec le vent, le ressenti est de -50 environ.

Louisa, les mains dans les poches, se trémousse dans tout les sens pour réchauffer ses membres engourdis.

—C'est invivable !
—Ahaha pas du tout ! Il y a une tradition millénaire à Doudinka. Dés l'âge de treize ans, les parents emmènent leurs enfants au milieu d'un lac gelé et avec des outils traditionnels, ils creusent un trou dans la glace et doivent se baigner pendant plus de dix minutes dans les eaux froides du fleuve. Cette tradition annuelle renforce la résistance au froid et ici, à -10°C on se met en t-shirt.
—Alors là Zaklov... Vous m'oubliez tout de suite pour ce délire !
—Ne vous en faites pas, je ne vous emmène pas ici pour ça. Venez, suivez moi.

Zaklov et Louisa contournent le bâtiment puis rejoignent une barrière métallique donnant sur les vastes plaines glacées. En levant les yeux au ciel, Louisa se retrouve soudainement scotchée au sol. Une immense aurore boréale lévite dans les cieux étoilés. Ses lentes ondulations émerveillent la jeune femme et ses couleurs violacées entremêlées d'un puissant vert-fluo font penser à une créature stellaire en plein mouvement.
Malgré le froid, Louisa reste béate devant la valse gracieuse de cette beauté cosmique.

—C'est époustouflant.... J'en avais jamais vu de ma vie...
—J'étais sûr que cela vous plairait, dit doucement Zaklov.

Tout les deux admirent la danse envoûtante et hypnotique de dame nature.

—Vous savez Louisa, j'avais une fille qui vous ressemblait, proclame Zaklov les yeux rivés sur le ciel. Elle vous ressemblait dans le caractère mais aussi physiquement. C'est assez incroyable à vrai dire... La forme de votre nez, vos cheveux et même votre regard... Bon sang... J'en suis resté bouche bée à la grande réunion du Cameroun...

Louisa est surprise qu'un homme aussi imposant et brut de décoffrage se confie aussi facilement sur son passé, mais surtout sur ses faiblesses les plus profondes.

—Elle est malheuresement décédée dans un stupide accident de voiture. Les routes en Russie ne pardonnent pas...
—Je suis désolé Zaklov, vraiment... compati Louisa. Quel âge avait-elle ?
—Rosalina avait 27 ans, répond-il en soufflant. L'accident remonte à onze ans maintenant mais on se remet jamais de la disparition d'un enfant. Votre guerre contre la Norway Arctic m'a montré le rôle que je dois jouer dans ce grand jeu des cartels.
—Votre rôle ?
—Je dois être un père pour vous, un protecteur. Ne vous méprenez pas Louisa, je n'ai aucune vue sur votre business et je ne souhaite pas prendre l'ascendant sur vous. Je suis en fin de carrière et je n'ai rien à gagner. Par contre, je ne peux pas laisser Röf Thorsen gagné contre vous. C'est impossible.

Louisa ne répond pas et admire toujours les majestueuses ondulations colorées.

—Mon père est mort, dit-elle subitement. Si j'ai repris ALLOS, c'est pour lui...

Louisa se retourne et attrape la main de Zaklov.

—Zaklov... J'ai déjà eu un père dans ma vie. Un père aimant, adorable avec lequel j'ai de souvenirs inoubliables et qui m'ont forgée en tant que femme et dirigeante de ALLOS. Je n'ai pas besoin d'un nouveau père mais d'un guide. Guider moi pour éradiquer une bonne fois pour toute la Norway Arctic, votre expérience et votre connaissance de ce métier me donnera toutes les armes nécessaires. On doit les anéantir pour nous permettre, ensemble, de grandir. 

Zaklov lui sourit. Sous l'aurore aux mille couleurs, un lien presque surnaturel semble les unir désormais.

—Je serai votre guide.

Louisa et Zaklov reste encore un instant à admirer le ciel.

—D'ailleurs, une remarque m'a interpellé au dîner tout à l'heure. Vous connaissiez Del-Orti ? Je croyais que son identité demeurait secrète aux yeux de tous.
—Je l'ai rencontré chez Henrique une seule fois et il m'avait forte impression. Ses talents étaient inégalables et il a permis à ALLOS et au cartel de la Sombra de devenir les plus puissants cartels de leurs continents respectifs. Incroyable... Mais je suis étonné qu'il n'ai pas donné son empire à son tendre aimé André ! Vous savez que c'est son fils adoptif n'est-ce-pas ?
—Oui je l'ai récemment su mais aux dires d'André, leur relation semblai très particulière... André ne voulait pas reprendre ALLOS.

Zaklov rit discrètement.

—Il est vrai qu'il a toujours vécu dans l'ombre de Del-Orti. Mais j'ai une question pour vous.. Vous pensez vraiment qu'un homme de poigne comme Del-Orti aurait laissé le choix à son fils ? Dans ce milieu, l'héritage est un concept sacré. Le cartel se transmet de parents à enfants et étant le fils adoptif de Del-Orti, il n'avait pas d'autres choix que d'accepter de reprendre le cartel familial.
—Mais...
—Si il vous a dit le contraire, il a menti Louisa.
—L'objectif de Del-Orti était de choisir une personne totalement inconnue dans ce milieu. André ne correspond pas vraiment à sa volonté...

Zaklov semble interloqué.

—Être un inconnu est absurde. Regardez, nous sommes ici pour nouer des liens. Posséder des connaissances dans ce milieu est essentiel pour permettre au cartel de survivre à une transition de pouvoir. D'ailleurs, vous devriez être la première à reconnaître cela, car vous avez enduré torpeurs et violences pendant vote intégration chez ALLOS. Louisa, croyez en votre guide... C'est tout de même bizarre cette histoire...

Louisa maintenant soucieuse se détache de Zaklov et observe le ciel étoilé auréolé. Zaklov comprend l'avoir perturbé mais il se doit de se montrer totalement honnête.

—Réglez cette histoire une bonne fois pour toute. Pour vous. Pour André. Mais surtout pour ALLOS.