Chapitre 62 - Raisonnement stratège

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Son regard flou vient se poser lentement sur la fenêtre.
Dehors, les rayons du soleil qui traversent les baies vitrées ouvertes sur Oslo, l'aveugle. Avec douleur, Oléana se contorsionne dans tout les sens et reprend doucement contact avec la réalité. Un épais bandage longe son buste et enveloppe entièrement son épaule, solidement immobilisée dans une attelle. Tandis qu'Oléana continue d'émerger de son profond sommeil, une infirmière pénètre dans sa chambre, stéthoscope déjà fixé dans les oreilles.

Comment allez-vous ? Vous savez comment vous vous appelez ?

La bouche sèche, Oléana soupire.

Bien-sûr que oui... je m'appelle O...Oléana Thorsen... Je pourrai avoir un verre d'eau ?
—En quelle année sommes nous ?
—2022.

L'infirmière lui ouvre les yeux et vérifie ses réflexes oculaires à l'aide d'une petite lumière fixée au bout de son stylo.

Savez-vous comment vous êtes arrivés ici ?
—Pas vraiment... j'ai perdu connaissance... J'ai vraiment soif... de l'eau s'il vous plait...

L'infirmière ne prête aucune attention aux plaintes d'Oléana.

Votre tension est basse, dit-elle en observant le moniteur cardiaque. Avez-vous mal quelque part ?
—Non je...
—Quel est votre dernier souvenir ?

Oléana attrape avec vigueur le poignet de l'infirmière.

Maintenant tu fermes ta gueule avec tes questions à la con et tu vas me chercher de l'eau ! argue-t-elle avec fureur.
Calmez vous... rétorque l'infirmière déconcertée. Je dois simplement effectuer les vérifications de bases avant que le médecin arrive.
—J'en ai rien à foutre ! Le médecin fera lui-même ces putains de vérifications ! Toi tu vas me chercher de l'eau et mon téléphone !
—Vous devez vous reposer, je...
—Tu continues à l'ouvrir ?! Tu sais qui je suis ?!

Sous le regard menaçant d'Oléana, l'infirmière s'exécute aussitôt.

Bouge toi ! proclame furieusement Oléana qui retombe étourdie au creux de son lit.

Malgré la douleur, Oléana repense au port de Marseille. Elle se revoit chevaucher Louisa et lui attraper la gorge, lutter comme une acharnée pour enfin la voir dépérir. Comme un traumatisme encore présent, Oléana ressent les odeurs âcre de la grenade fumigène et de la poudre des fusils d'assaut. Son épaule tressaille lorsqu'elle se remémore la douleur fulgurante de cette balle de gros calibre lui traversant l'épaule, fracturant l'os et déchiquetant ses muscles.

Tout ceci n'était qu'un piège... marmonne Oléana en serrant les poings.

Désormais, sa priorité est de voir Louisa Conti morte.
L'infirmière pénètre à nouveau dans la chambre et vient lui déposer un large gobelet emplit d'eau.

Buvez doucement, vous sortez d'une anesthésie.
—Ferme ta gueule, réplique aussitôt Oléana.
C'est comme ça que tu traites les gens qui te viennent en aide ?

Oléana sursaute lorsqu'elle reconnaît la voix de son père.
L'imposant Rof, dans son éternel costume cravate digne d'un grand PDG, s'avance et fait gentiment signe à l'infirmière de les laisser seuls. À nouveau, cette dernière s'exécute aussitôt.

Cette femme est une incompétente...
—Tu n'es pas infirmière à ce que je sache, réplique sèchement Rof. Elle connaît mieux son travail que toi.

Le regard froid de son père fait redescendre Oléana.

Comment vas-tu ? Tu as mal ?
—Ca va... Je pense que je suis encore sous anti-douleur mais je ne souffre pas.
—Bien. C'est l'essentiel.
—Tu es là pour prendre de mes nouvelles ou plutôt pour ton précieux business ? demande Oléana en s'empressant de boire une grande gorgée de son eau tant quémandée.

Rof fronce ses épais sourcils. Il n'est pas habitué à ce ton agressif venant de sa fille.

Je suis là pour toi. On t'a fait du mal et jamais je ne tolérerai un tel affront. Qu'est ce qui s'est passé ? Qui t'a tiré dessus ?
—Cette salope de Louisa Conti, argue-t-elle avec aigreur. Tout ce merdier est de sa faute ! Elle m'a tendu un piège et à appeler les forces de l'ordre comme une lâche ! C'est une balance !
—Mes contacts m'ont informé que tu avais l'un de ses collaborateurs en otage. Est-ce vrai ?
—C'était mon angle d'attaque. Je voulais forcer ALLOS à me céder l'accès aux ports européens pour permettre aux navires de la Norway d'y accoster.
—Et tu n'as pas jugé utile de m'en informer ?

Oléana reste silencieuse, encore vaseuse, tandis que son père pousse un long soupire.

Il faut que tu arrêtes de penser que tu peux tout gérer seule, dit-il avec calme.
Mais papa... j'avais la situation sous contrôle. Si Louisa n'avais pas prévenu la police, nous en serions pas là.
—Qu'avait-elle a gagné ?
—Comment ça ?
—Tu t'empresses de lui jeter des accusations sans preuve, ni explication. Louisa Conti dirige un cartel beaucoup plus puissant que le nôtre. Son empire remonte à loin et appeler les forces de l'ordre lorsque l'on est la femme la plus recherchée d'Europe, voir du monde, ce n'est pas une bonne stratégie. De plus, sa collaboratrice s'est faite capturée par la police. Elle va subir des interrogatoires et je doute qu'ALLOS souhaitait cette situation.
—Mais comment la police a su le lieu exact de notre rendez-vous ?
—Je n'en sais rien Oléana, mais beaucoup de choses peuvent expliquer cette intervention. Une mise sous surveillance de ton téléphone, un informateur anonyme ou encore une taupe. Il ne faut pas toujours voir le mal chez ses ennemis car ils ont autant à perdre que toi.
—Mais papa... Je veux sa peau. Je veux voir Louisa Conti morte et son empire au fond de l'océan...
—Ma pauvre fille... les médicaments ne te réussissent pas. Enfin... J'espère que ce sont les médicaments qui t'empêchent d'avoir un raisonnement stratège. Sinon, j'ai fais l'un des pires choix de ma carrière en te nommant à la tête de la Norway Arctic.

Cette salve pleine d'aigreur envoyé par son père scotche Oléana de déception. Son père la fixe intensément tandis qu'Oléana n'ose même plus le regarder dans les yeux.

Je suis content que tu ailles bien mais tu as besoin de repos, dit Rof avec clarté. Repose ton corps et ton esprit, réfléchi sur toi-même et ta manière de penser. Tu es dans la cour des grands maintenant, tu dois te montrer digne de ton héritage. De mon héritage. Dés à présent, je reprend officiellement la direction de la Norway et je ne veux pas te voir intervenir dans une affaire en cours. Louisa Conti j'en fais mon affaire.
—C'est à moi d'en finir papa ! À moi ! réplique Oléana avec vicissitude.
Tu ne feras rien Oléana. J'ai déjà payé cher pour te faire sortir des mains de la police française et pour réparer tes erreurs. Repose ton esprit et surtout, ne m'empêche pas de gérer mon business. Sinon, tu n'auras plus devant toi ton père, mais un puissant PDG prêt à tout pour protéger son empire. Je serai sans pitié Oléana. Même avec toi.

À LA TÊTE DU CARTEL : IIDonde viven las historias. Descúbrelo ahora