Chapitre 86 - Lever la tête !

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Face au grand large, le visage caressé par la brise océanique, Louisa repense à sa vie d'avant et à la simplicité de son quotidien. Se lever, embrasser tendrement sa mère, prendre son déjeuner, se rendre au travail puis en cours pour étudier, rentrer, manger, dormir. Ce quotidien insipide et dépourvu de sens, ce quotidien tant haïs et rejeté par Louisa est désormais devenu son rêve absolu.
Aux larges des côtes portugaises, sur un bateau gangréné par la mafia et au cœur d'un conflit mondial pour le pouvoir, Louisa se demande encore pourquoi le destin a décidé de lui accorder cette vie. Même si certaines choses semble immuables, Louisa sait au fond d'elle-même que sans ALLOS, sans Del-Orti, sa vie n'aurait été qu'une longue saga insipide. Mais ce goût de la nouveauté, de la richesse et du pouvoir ont mené Louisa dans les ténèbres de l'existence. Dans un monde si violent et brutal que sa propre mère refuse désormais de la regarder en face. Néanmoins, sans ALLOS, sa deuxième famille n'aurait jamais existé. André, Julien et Hélène n'auraient jamais traversé sa vie et par la force des choses, changé sa vision du monde et de son destin. Aujourd'hui, plus que jamais, avec le sang d'innombrables hommes sur les mains, Louisa sait qu'elle se doit d'assumer ses actes. Même harcelée par les cartels du monde entier, elle doit prouver à Del-Orti, à son père, ainsi qu'à tout les hommes et femmes tombés pour ALLOS, qu'elle est l'unique et la seule Reine d'Europe.
Louisa tire sur sa cigarette lorsqu'une voix l'interromps dans ses pensées. Ses mains se crispent dés lors qu'elle reconnaît la voix de Rof Thorsen.

La vue est appréciable ?

Louisa reste impassible et continue de fixer l'océan.

Je sais que je suis probablement la dernière personne que vous voudriez voir, mais...
—Détrompez vous monsieur Thorsen, réplique aussitôt Louisa. Vous êtes la personne que je désirais rencontrer.

Louisa se retourne et observe longuement Rof. Pendant de longues secondes, silencieusement, les deux dirigeants s'observent avec rage.

Et pourquoi ? demande-t-il sereinement.
Pour voir la honte dans vos yeux. La honte de s'être fait avoir par une gamine de vingt-et-un an et la honte de voir votre fille échouer.
—Vous avez tort. Je ne me suis pas fait avoir par une gamine de vingt-et-un an. Je me suis fais attaqué par la grande Reine d'Europe voulant affirmer son emprise, n'est ce pas ?
—Exactement, répond Louisa légèrement déconcertée.

Rof Thorsen sourit poliment puis vient s'accouder à ses côtés. Face au grand large, les deux dirigeants observent les vagues s'étendant à l'infini.

Vous avez raison. J'ai honte. Ma fille n'a rien à voir avec vous. Louisa Conti, la grande héritière d'Alessio Del-Orti. Ma fille ne possède pas votre vivacité d'esprit et je pense que j'ai commis une erreur en la nommant à la tête de la Norway Arctic. Elle n'est pas assez forte pour ce monde pourri.
—Je déteste votre fille. C'est une salope égocentrique, pourrie-gâtée et probablement sociopathe donc loin de moi l'idée de la défendre. Mais je pense que voir sa mère se faire massacrer sous ses yeux par son père, n'a pas dû aider à son bon développement. Vous semblez être une belle pourriture monsieur Thorsen.
—Je vois que ma stratégie fonctionne toujours, répond-il le regard loin.

Contrairement à ce qu'elle imaginait, Louisa entrevoit une certaine humanité chez ce gaillard celtique aux allures de Belzebuth. Comme une once d'humanité soigneusement enfouie.

J'aimais ma femme, lance subitement Rof. Susanna était admirable et tellement magnifique... La première fois que nous nous sommes rencontrés, j'avais douze ans. Je me baladais dans les bergeries de mon père lorsqu'un satané chien de chasse s'est mis en travers de mon chemin. Les crocs acérés, la gueule ouverte, ses grognements m'ont tétanisé sur place. Je ne savais pas quoi faire, ni comment réagir. J'étais seul et sans défense. Je tremblais tellement que je n'arrivais même plus à respirer. Ma peur était si prégnante que le chien pouvait la percevoir et affamé comme il était, je savais qu'il allait assouvir sa soif de sang avec moi. Au moment fatidique, lorsque le chien commença sa course meurtrière, Susanna est apparue...

À LA TÊTE DU CARTEL : IIWhere stories live. Discover now