Chapitre 70 - Océan chaotique

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Une boite de sardines entre-ouverte virevolte dans les airs pour venir se fracasser sur le linos bleuté du grand réfectoire. L'huile d'olive et les aromates présents à l'intérieur éclaboussent le tapis et les pieds de chaise aux alentours.

Slank !

L'homme emmitouflé dans sa grosse doudoune attrape difficilement un sopalin disposé en haut du frigo. Rapidement, il part nettoyer le carnage huileux sous le regard réprobateur d'un de ses collègues. Son visage caché par une épaisse barbe, Fred récupère le reste des sardines en tâchant de ne pas tacher son bleu de travail.

Ça va Erik ! lance-t-il subitement à son équipier qui le fixe avec insistance. Les accidents ça arrivent !
—Comme mon baladeur que tu as fait tombé par-dessus le pont ! T'es un calvaire Fred ! Comment t'as fait ton compte ?! Les sardines ont littéralement traversés tout le réfectoire !
—Figure toi que je cherchais mon chargeur d'ordinateur que TU as touché ! J'ai dû grimper sur la table pour le récupérer en haut du placard ! Alors viens pas me saouler parce que finalement, tout ça, c'est de ta faute Erik !
—Olala.. ne sois pas si dramatique ! Ce job te monte à la tête ! Pourquoi t'es si pressé d'aller sur ton ordinateur ?

Fred souffle dans sa barbe et propulse le sopalin imbibé d'huile dans le lavabo.

J'avais simplement envie de parler à ma femme et à mon fils sans que le chef me voit... C'est tout Erik... Le boss m'a sucré des heures de pause pour augmenter le pompage du pétrole...

Sur ce discours mielleux, ce-dernier lève les yeux.

Roh.. Alors vas y ! Branche ton ordi et appelle ta femme. Je te couvre.
—Merci Erik ! T'es le meilleur même si t'es con !
—Ça vaudra un paquet de nouilles aux crevettes espèce de batard, réplique-t-il en quittant le réfectoire.

Fred branche rapidement son ordinateur et active son application Skype. Le visage de son épouse ne se fait pas attendre pour apparaître à l'écran.

Mon chéri ! Comment vas-tu ? 
—Bonjour mon bébé, je vais très bien. J'ai pas beaucoup de temps malheuresement. Je voulais simplement te voir et voir Edmond... vous me manquez terriblement...
—Il est avec moi.

Sous le regard béa de Fred, son épouse montre le visage de leur petit enfant, âgés seulement de quelques mois. Sa petite bouille serrée dans une chemisette orange pastel fait littéralement fondre le grand barbu. Il ne peut s'empêcher de détacher son regard de l'écran.
Mais soudainement, le calme enfantin devient un vacarme assourdissant. Une multitude d'alarmes et de signaux lumineux s'activent dans le réfectoire. Fred, surprit par le caractère inédit de ces signaux, reste un moment choqué par la situation.

Mon dieu chéri qu'est ce qu'il se passe ?! lance son épouse au travers de l'écran.

Son collègue Erik pénètre rapidement dans le réfectoire par la grosse porte métallique.

Merde Fred ! Viens vite ! On a besoin de toi en salle de commandement !

Sans se faire attendre, Fred laisse son ordinateur et quitte le réfectoire.
Arrivé sur le pont, le vent froid lui fouette instantanément le visage tandis qu'un bruit sourd résonne autour de lui. L'amoncellement de tuyaux et de passerelle métalliques composant la station pétrolière vibrent sous le fracas des vagues. Fred avance et tâche d'être prudent en se maintenant aux rambardes de protection tandis que le bruit strident des alarmes continue de retentir. Un nouveau bruit, plus sourd, résonne sous ses pieds. Fred aperçoit une étrange lueur provenant des bas fonds de l'océan lorsque toute la station bascule sur le flan. Il se retrouve alors violemment propulsé au sol. Un énorme morceau métallique provenant des étages supérieurs vient fracasser la passerelle métallique juste devant lui.
Un trou béant donnant sur l'océan norvégien sépare désormais Fred de son équipier Erik.

Merde Erik ! Toute la station pétrolière est inclinée ! Il se passe quoi bordel !?

Son collègue, solidement accroché à un tuyaux, réussit à se hisser sur les escaliers menant à la salle de commandement.

J'en ai aucune idée ! Je vais à la salle de commandement pour savoir si...

Mais brusquement, un morceau métallique vient s'encastrer dans le crâne d'Erik. Ce dernier est propulsé en arrière et bascule par-dessus le pont.
Fred voit son collègue, mais surtout son ami, sombrer dans l'océan chaotique.

Putain !!

Effrayé, Fred regagne le réfectoire dans le chaos et retrouve son épouse, toujours sur l'écran à guetter le moindre mouvement.

Mais chéri que se passe-t-il ?! Ça va ?!
—Chérie... je ne sais pas si je vais m'en sortir... mais sache que je t'aime...

Un bruit sourd résonne de nouveau sous ses pieds.
Cette fois-ci, Fred a conscience que la station ne tiendra pas.

Je t'aime mon amour... embrasse Edmond de ma part...
—Chéri attend !

L'écran se brouille lorsqu'un jaillissement de feu vient rompre le signal.

À LA TÊTE DU CARTEL : IIUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum