À LA TÊTE DU CARTEL : II

Chapitre 84 - Angoisse

L'hélicoptère amorce sa descente.
L'immense navire, flambant neuf et d'un luxe irréprochable, s'étend sous les pales tournoyantes. La longue coque noire-encre reflette les ondulations de la mer et habillé de ses longues rambardes métalliques, le yacht scintille de mille-feux au soleil. Au gré de la descente, l'angoisse de Louisa monte.
Quelques mois auparavant, son vœux le plus cher était de se retrouver face à Oléana et Rof Thörsen. Chaque fois avant de trouver le sommeil, Louisa visualisait la peur, la terreur dans les yeux des Thorsen lorsqu'elle anéantirai la Norway et vengerai Hélène. Ce rêve lui permettait d'avancer et de diriger ALLOS avec force.  Mais aujourd'hui, après les conséquences désastreuses de ses actes, Louisa se convainc d'aborder la situation d'une autre manière. Comme André lui a fortement recommandé, elle sait qu'il faut être raisonnable et privilégier la négociation plutôt que la guerre.
Arrivé sur l'héliport du pont avant, l'hélicoptère coupe enfin ses moteurs. La main de Louisa vient immédiatement attraper celle d'André.

—Surtout, ne t'éloigne pas de moi.
—Ne t'en fais pas, je ne te quitte pas des yeux, répond André avec sérénité.

Deux employés, en costume de service, s'avancent dans leur direction.

—Madame Conti, ravie de vous voir. Avez-vous des affaires à déposer dans votre cabine ?
—Ce n'est pas nécessaire, je ne resterai pas ici très longtemps, répond-elle sèchement.
—Très bien madame. Suivez moi alors.

Louisa et André parcourent les longs ponts du yacht et rejoignent un élégant salon situé au pont inférieur. Aux courbes modernes et meublé à la perfection, la salle de séjour s'étend sur tout l'avant du navire et ses larges baies vitrées offre une vue panoramique sur l'immensité océanique. Plusieurs personnes sont déjà présentes autour du bar et Louisa reconnaît immédiatement le cartel des italiens qui, comme à leur habitude, la dévisage de manière abusive. André accompagne Louisa par le bras et rejoignent Zaklov en compagnie des sœurs canadiennes.

—Enfin te voilà ! La grande star ! lance Rosy sans gêne.
—Roh laisse la tranquille ! réplique sa sœur Luna.
—Je suis ravie de vous revoir Louisa, dit Zaklov grand sourire. Content que vous ayez accepté cette réunion.

Ayant paradé au fond de l'océan à ses côtés, Louisa considère Zaklov comme son allié principal. Elle vient l'enlacer en se rassurant d'avoir un allié fidèle dans ce genre de réunion. Louisa balaie la pièce et tâche d'ignorer les regards de haine à son encontre tout en cherchant désespérément Henrique.

—Henrique n'est pas là ?
—Il devrait pourtant, dit timidement André.
—J'ai reçu un appel de sa part. Il a une urgence familiale et a dû annuler sa présence.

Louisa est surprise. Henrique n'est pas le genre d'homme a loupé une réunion de cette envergure.

—On devrait s'inquiéter ? Il a besoin d'aide ? demande Louisa à Zaklov.
—Il n'avait pas l'air alarmiste.

Comme si son autorité s'imposait naturellement, un silence survient dans l'assemblée lorsqu'Ajay Indrajit pénètre dans le salon. Oléana et Rof Thorsen, accompagnés de trois gardes du corps, suivent de près le chef des cartels.
La respiration de Louisa se coupe lorsque son regard vient croiser celui d'Oléana. Comme une mauvaise madeleine de Proust, les flashs de l'attaque de Marseille lui reviennent de manière fulgurante. Le bruits des rafales de mitraillettes, le son de la balle transperçant l'épaule d'Oléana, les cris de Hélène... Sa dernière rencontre avec Oléana fut chaotique et Louisa, même si sa rage est toujours solidement ancrée, espère que la réunion d'aujourd'hui ne suivra pas ce même chemin. Rof Thorsen, quant à lui, reste impassible et traverse le salon en ignorant totalement les membres de ALLOS.

—Bonjours à tous, lance Ajay au centre du salon. Merci d'être présent à cette réunion improvisée et d'avoir modifié vos emplois du temps. Tâchons d'être le plus efficace possible. Je vous invite à gagner la grande table afin de discuter de la situation désastreuse que traverse le cercle des cartels, conclue Ajay en fixant intensément Louisa et André. Suivez moi.