Chapitre 99 - Savoir réagir

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Les balles atteignent leur cible.
Aussitôt, les trois gardes s'écroulent dans une synchronicité quasi-parfaite. Rof, Louisa et Hélène pénètrent alors à l'intérieur du bâtiment en briques rouges et tâche de couvrir leur bruit de pas. Silencieusement cachés dans la pénombre, ils avancent dans le laboratoire de cocaïne, arme en main et observent si d'autres gardes demeurent présents dans la zone.

RAS, lance Hélène. On continue.
—Son bureau se trouve à l'étage, il faut monter, chuchote Louisa.

Ils montent les escaliers et Rof ne se fait pas attendre pour frapper la porte d'un seul coup de pied.
La porte en bois se fracasse sous la force du coup et les trois pénètrent rapidement à l'intérieur, armes braquées en avant. Assit derrière son bureau, Henrique n'a même pas l'air surpris par cette vive intrusion et sirote tranquillement son whisky en savourant comme à son habitude, un large cigare cubain.

Vous voilà, dit-il sereinement.

Louisa s'avance face à lui, le regard emplie de haine.

Et nous avons une revenante, continue Henrique, fixé sur Hélène. Je suis content que vous soyez enfin sorti de ce trou.
—Content ? Vous le serez moins tout à l'heure, rétorque-t-elle avec aigreur.

Henrique et Louisa se fixent un long moment. Henrique peut voir la haine, la tristesse mais aussi la déception dans les yeux de la reine d'Europe.

Pourquoi Henrique ? Pourquoi tu as fait ça ?
—Tu n'as toujours rien compris Louisa ? Même après l'avertissement avec ta mère ? Je te l'ai déjà dit, même ton propre sang peut te trahir. L'empire avant toute chose. Rien de personnel, seulement du business.

Rof s'avance rapidement vers lui.

Rien de personnel ?! hurle-t-il. Ma fille est morte sous mes yeux ! Vous avez voulu abattre Louisa comme une malpropre et André est mort par votre faute ! Alors oui ! C'est personnel ! Vous savez pertinemment qu'on ne fait pas du business de cette manière !
—Ah bon ? réplique Henrique. Pourtant, Louisa a exécuté Andrej Kïska de ses propres mains pour sauver ALLOS.
—Cela n'a rien à voir ! rétorque Hélène. Contrairement à vous, Andrej Kïska n'était pas notre allié, n'était pas un fidèle client. C'était un homme qui souhaitait notre destruction. On peux lui reprocher beaucoup de choses mais pas son honnêteté.
—Exactement. Andrej Kïska nous haïssait et ne faisait pas semblant de nous apprécier. Il n'était pas un lâche, conclue amèrement Louisa.

Henrique sourit puis saisit à nouveau la bouteille de whisky trônant au centre de son bureau.

Si j'ai fais ce que j'ai fais, c'est pour anéantir ALLOS et l'héritage de Del-Orti. Trop longtemps, le monopole de ALLOS s'est imposé aux autres cartels. Et monsieur Thorsen ici présent, était l'un des premiers à vouloir couper la tête du roi. Lorsque cette enflure de Del-Orti est enfin morte, j'ai saisis l'occasion pour briser ALLOS définitivement.
—Mais je n'ai jamais utilisé vos manières ! Je n'ai jamais feinté mes intentions !
—Vous êtes bien sélectif. Votre fille a kidnappé notre chère Hélène pour obtenir ce qu'elle voulait.
—Oléana était jeune... sans expérience et pensait bien faire..., rétorque Rof qui peine à contenir sa tristesse.
Et je suis encore en vie non ? dit Hélène qui attrape la bouteille de whisky pour en boire une gorgée. Et je ne connais pas bien Rof, mais je doute qu'il aurait fait sa petite pute avec le président de la république pour obtenir ce qu'il voulait.
—Je n'ai eu qu'à agiter la carotte devant ses yeux et cet abruti a déployé le feu absolu. Je me suis simplement servi de lui, comme beaucoup d'entre nous l'aurait fait. Mais même son armée n'a pas réussi à atteindre la grande et impitoyable Reine d'Europe. Quel minable...

Louisa désenclenche la sécurité de son arme, et fixe avec rage Henrique.
Ce dernier, d'un calme déconcertant, l'observe longuement.

C'est réellement ce que tu souhaites ? demande-t-il en ne détachant pas ses yeux de la Reine d'Europe.
Oui.

Henrique finit alors son verre et se renfonce dans sa large chaise.

Alors vas y. Exécute moi. Mais tu perdras la Sombra, ton plus gros client, et ALLOS ne survivra pas encore à un tel échec. Et ma famille ne cessera de te traquer et de te vouloir morte. Tu ne seras plus jamais tranquille, Louisa. Plus jamais.

Louisa et Hélène se mettent à sourire.

Dés l'instant où j'ai accepté l'héritage de Del-Orti, j'avais conscience que la sérénité ne ferait plus partie de ma vie. Mais c'est toi qui n'a toujours rien compris Henrique. Comme avec Andrej Kïska, je me suis déjà emparé de ton empire.

Le visage de Henrique, sous l'incompréhension, se décompose soudainement.

—Oui Henrique... ajoute Hélène. Tu nous prends vraiment pour des amateurs ? À l'heure où l'on se parle, ton cartel ennemi au Mexique, Los Chicos, sont en train de faire un carnage chez toi.
—Nous les avons appelés, négociés des nouveaux contrats avec ALLOS et enfin fournis une aide matérielle et financière pour qu'ils s'arment afin d'exterminer tout les membres de la Sombra. Ne t'en fais pas pour ALLOS. À notre première rencontre, je t'avais déjà mis en garde Henrique. Je peux remplir mon carnet de client en un claquement de doigt et je ne suis soumise à aucun cartel. Tes ennemis sont mes nouveaux amis. J'ai bien retenu ta leçon.

Rof commence soudainement à détruire tout le mobilier de son bureau. Henrique l'observe fracasser les chaises avec des coups de pieds, balancer tout ce qu'il trouve au sol, briser tout ce qu'il voit. Hélène, tout sourire, le rejoint dans sa valse destructrice.

Alors oui, tu es finis Henrique, reprend Louisa. Pour ta trahison... Pour tes mensonges... Pour André.... Pour ALLOS... pour Oléana... Tu es mort.
—Espèce de sale chienne...
—Ne sois pas déçu Henrique... J'ai bien retenu ta leçon... Il faut savoir réagir. Et en cet instant précis, je réagis.

Henrique n'a pas le temps de lui répondre que Louisa appuie aussitôt sur la gâchette. La balle transperce le crâne d'Henrique et propulse sa matière grise sur la fenêtre derrière lui.
Au sommet de son laboratoire de cocaïne, Louisa fixe le crâne arraché d'Henrique. Instinctivement, Louisa attrape l'anneau de Del-Orti autour de son cou.

Va pourrir en enfer... dit-elle avec un certain soulagement.

Pendant que Rof défoule sa rage dans le bureau, Hélène vient aux cotés de Louisa et admire à son tour le cadavre d'Henrique.
Elle sourit puis pose délicatement sa tête sur son épaule.

Tu as fait ce qu'il fallait, Louisa.
—Je sais... mais avec André puis Henrique, j'ai l'impression que tout mon monde s'est effondré...

Hélène se redresse puis fixe intensément Louisa.

Tu as raison. Ton monde s'est effrondré. Sans André, ALLOS ne sera plus jamais pareil... Mais je sais que tu arriveras à te créer un nouveau chez toi. Et Julien, ton frère et moi-même seront là pour toi.
—Merci Hélène... dit Louisa en l'enlaçant. Tu m'avais tellement manqué. Je suis si heureuse que tu sois là... avec moi...

Rof s'avancent vers elle.

Bon ! Je me suis bien défoulé. On fout le feu à cet endroit et on se tire d'ici.

Louisa lui sourit amicalement en acquiesçant.

—Tu as raison. Cramons tout et faisons partir cette merde d'Henrique en fumée.

À LA TÊTE DU CARTEL : IIWhere stories live. Discover now