À LA TÊTE DU CARTEL : II

Chapitre 72 - Peur

—C'est non !!
—Ajay... Gardez votre sang froid... C'est bien la première fois que je vous vois dans un tel état.
—Car c'est la première fois qu'une guerre entre cartel provoque autant de dégâts ! Comment pourrai-je accepter une telle demande ?!
—Se réunir a toujours permis d'apaiser les tensions, de comprendre les points de vue de chacun.
—Vous y croyez encore ? Vous pensez vraiment que cette folle de Louisa Conti est dans un objectif d'apaisement ?! Bon sang Henrique ! Mais réveillez-vous !

Henrique Tavares soupire en observant Ajay Indrajit rouge de colère.
Par la grande fenêtre du bureau moderne, Henrique observe l'océan indien s'étendant à perte de vue. Il fixe intensément l'immensité salée qui s'étend face à lui et laisse vagabonder ses pensées pour se focaliser sur Louisa. Henrique a parfaitement conscience que la puissance de son empire ne peux pas subsister sans ALLOS. Alors, il se doit de jouer le médiateur car avant toute chose, Henrique est un homme d'affaire impitoyable et pense en priorité à son business.

—Mais ALLOS est indispensable au sein du cercle des cartels et en tant que chef suprême de cette organisation, vous devez être le conciliateur, celui qui apaise la situation, dit sereinement Henrique. Ajay... ne cédez pas aux pressions et gardez votre calme.
—Vous n'êtes pas à ma place Henrique. Depuis l'attaque de la station pétrolière absolument tout les cartels me sont tombés dessus, ainsi que plusieurs dirigeants politiques très influents. Je me suis retrouvé au cœur d'un conflit européen, en plus de devoir gérer les répercussions médiatiques de la marée noire pour éviter que l'on remonte jusqu'à l'organisation des cartels. Plus que jamais nous sommes exposés et donc, menacés. Tout cela à cause votre protégée ! Fort heureusement, nos liens avec les politiques et surtout les pots de vin imposants qu'on leur verse, nous protègent du scandale... Mais jusqu'à quand ?
—Louisa n'est pas une dirigeante comme les autres et vous le savez.
—Le jour de l'attaque, j'étais au téléphone avec Rof Thorsen et il me demandait d'exclure ALLOS du cercle. Il sentait que quelque chose ne tournait pas rond !
—Quoi ?! Exclure ALLOS ?! C'est impossible Ajay.
—Si l'on suit la logique de Louisa Conti... Tout est possible désormais. Lorsqu'elle a décidé d'attaquer la Norway aussi frontalement, il est de ma responsabilité d'agir, et j'ai aussi le droit d'employer des méthodes radicales.

Henrique, le visage grave, se détourne de l'océan et fixe Ajay. Son regard presque menaçant vient se plonger dans le sien.

—Si vous osez exclure ALLOS du cercle, je serai le premier à me retirer. Et beaucoup d'autres cartels me suivront. ALLOS fait vivre plusieurs d'entre nous et vous ne possédez pas un tel pouvoir au sein de l'organisation.
—Selon notre charte d'adhésion, nous pouvons exclure un membre par le vote.

Henrique s'esclaffe de rire.

—Vous voulez dire que nous, les plus puissants criminels et dirigeants des cartels mondiaux, utilisons les méthodes de la démocratie pour gérer nos affaires ? Ahahahaha !
—Vous pouvez rire Henrique... Mais Louisa Conti a dépassé les bornes et elle en paiera le prix.
—Vous êtes un hypocrite Ajay.
—Surveillez votre langue Henrique, réplique sèchement le chef du cercle.

Calmement, Henrique sort un cigare de sa poche intérieure.
Il l'allume puis se remet à fixer Ajay intensément.

—Vous êtes l'homme le plus impitoyable de la planète. Vous avez dirigé le Cartel de Bombay pendant une bonne trentaine d'année et votre réputation de tueur sanguinaire vous a permis d'obtenir ce poste. Et aujourd'hui, vous reprochez à Louisa d'être exactement dans la même folie que vous. À mon avis Ajay... vous avez peur.
—Peur ?
—Oui. Peur de ce que pourrai devenir Louisa. Peur de perdre votre réputation. Peur de son intelligence stratégique. Peur qu'un jour, la grande Reine d'Europe vous remplace à la tête du cercle des cartels.

Derrière son bureau, Ajay sourit mécaniquement.

—J'ai énormément tué, il est vrai. Mais je choisissais mes cibles et j'ai toujours agi dans la discrétion. Louisa est une inconsciente qui tire à l'aveugle. Connaissez-vous une personne sur cette planète Henrique, à part les dirigeants les plus sanguinaires de certains pays, qui sont capable de sacrifier la vie de 200 personnes et provoqué une crise internationale et écologique sans précédent ? Personnellement, je ne l'ai jamais fait. C'est de la pure lâcheté. Même pour des gens comme nous.
—Le monde a changé Ajay. Aujourd'hui, l'ultra-violence est l'unique manière dont le monde s'exprime. Notre jeunesse a été pollué. Si vous prenez du recul, Louisa a fait ce que beaucoup d'entre nous ont rêvé de faire. Anéantir nos concurrents sans état d'âme, sans règle, sans pitié...
—Alors on devrait faire comme si de rien n'était ?! Laissez Louisa Conti semer le chaos parce qu'elle n'arrive pas à gérer ses émotions ?
—La Norway et notamment Oléana Thorsen ont attaqué ALLOS. Louisa n'est pas la seule responsable de cette situation chaotique. C'est pour cela que vous devez encourager la négociation. Faites les s'asseoir autour d'une table. Je vous aiderai à les réunir, et ensuite vous prendrez votre décision.

Ajay soupire à son tour. Il sait que ses mains sont liées et qu'il ne peut surenchérir. La tension étant bien trop grande au sein de l'organisation des cartels, Ajay reconnaît qu'il ne peut pas rester inerte et occuper simplement son temps à éteindre les feux.

—À la grande réunion du Cameroun, j'ai mis en garde Louisa Conti à propos de ses actes après le massacre des Balaz et d'Andrej Kïska... dit amèrement Ajay. J'ai horreur de me répéter...

Henrique acquiesce.

—Mais vous avez raison Henrique, continue Ajay. Les temps sont trop compliqués pour entrer en conflit avec ALLOS. Je vais contacter l'ensemble du cercle et essayer de les convaincre.
—J'en ferai autant, dit Henrique en éteignant son cigare. Je vais contacter mes alliés et le dire que je soutiens votre décision. Merci Ajay. Vous verrez qu'après cette rencontre, toute rentrera dans l'ordre.