À LA TÊTE DU CARTEL : II

Chapitre 28 - Une autre voie

Tel un champs de bataille déserté le lendemain d'une armistice, seul le silence règne sur le port du Havre qui croule sous les violentes bourrasques de vent en provenance de l'océan. Tard dans la nuit, ses longs quais bétonnés, frappés par lumière jaune et angoissante des lampadaires, grincent sous les rafales incessantes.
Assise sur le capot du 4x4 noir, Hélène et sa longue chevelure au vent, cigarette à la bouche, saisit son téléphone portable dans un geste lasse.

—C'est moi Julien.
—Alors ?
—Tout semble parfaitement normal. On a vérifié trois fois les quais et il n'y a aucune présence humaine, je pense qu'on est tranquille. Mais je préfère attendre que le navire accoste et vérifier la cargaison moi-même. C'est plus sûr.
—Parfait, rappelle moi.

Julien raccroche tandis qu'Hélène projette son mégot de cigarette loin devant elle. Lorsqu'il frappe le sol, une petite étincelle jaillit du foyer ardent. Cette bribe de lumière ravive un souvenir chez Hélène qui repense à l'explosion du manoir des Balaz et surtout, la manière dont elle a cloué le bec au dernier Balaz encore en vie.
L'adrénaline qu'elle a ressentie en faisant exploser ces camions de chargement lui procure, encore maintenant, un bien-être incontesté. Parfois, elle imagine sa vie sans la rencontre avec Alessio Del-Orti. Elle aurait continué son train de vie en parcourant le monde, logée dans les plus beaux hôtels de la planète en effectuant ses contrats d'assassinats comme la professionnelle de renommée mondiale que tout le monde s'arrachait. Mais Hélène sait qu'une autre version de cette histoire est plausible. Ce métier ne pardonne pas et le danger d'être attrapée, torturée, violée, puis jetée au fond d'un trou comme un vulgaire animal pouvait subvenir à chaque mission.
Del-Orti lui a sauvé la vie en lui donnant un but, un objectif. Accepté d'intégrer ALLOS a été la meilleure décision de sa vie mais depuis la disparition de son mentor, plus rien n'est pareil. Aujourd'hui, Hélène conçoit que sa vie pourrai suivre une autre voie, un autre but.
Pendant que ses pensées s'égarent au loin, un membre de l'équipe de protection l'interpelle.

—Madame, le navire entre dans le port. Nous devons y aller.