Chapitre 60 - Adieu

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Le ciel étoilé, découpé par les rares nuages filandreux, enveloppe absolument tout. Le terrain défréchi entourant la tanière baigne dans un silence ténébreux... Même si les quelques sifflements de grillons se font entendre, seul le son de la nuit résonne.
Louis assise sur une vulgaire chaise de pêche décrépie, tire sur sa cigarette. Son regard perdu dans l'immensité étoilée, elle repense à l'attaque de Marseille. Sauver Hélène était son unique priorité et l'intervention du lieutenant Bérard à provoquer une déferlante de conséquences désastreuses. Désormais, la vie d'Hélène n'est plus assurée et Louisa refuse d'accepter cette éventualité. Perdre Hélène, serait à ses yeux perdre son pilier, son soutien dans ce monde impitoyable et dangereux qu'est celui des cartels. Mais aujourd'hui, plus que jamais, Louisa a parfaitement conscience de l'impact de ses décisions. Choisir de tuer l'équipier du lieutenant Bérard a été l'un des choix le plus lourd à porter depuis sa nomination à la tête de ALLOS. Louisa sait qu'elle a tout changé lorsque son doigt est venu appuyer sur cette détente... La haine indéfectible et quasi viscérale du lieutenant Bérard à son égard et le dégoût hargneux de sa mère.

Maman... murmure doucement Louisa. C'est toi qui m'a trahi...

Sa cigarette fumante entre les lèvres, Louisa se contorsionne et attrape son téléphone dans la poche de son jean. Son doigt glisse sur l'écran et s'arrête sur le numéro de sa mère. Immobile, Louisa fixe son téléphone comme soudainement paralysée par une peur irrationnelle. Mais comme un électrochoc, des images d'Hélène propulsée au sol durant l'attaque de Marseille lui foudroie l'esprit.
Louisa appuie avec force sur l'écran et vient coller le téléphone à son oreille.

Tu as vu l'heure ? Pourquoi m'appelles-tu ?

Louisa, ancrée sur sa chaise de pêche, sert les dents.

Bonsoir maman.
—L'autre soir, je pensais qu'on s'était tout dit. Tu as été très claire avant de claquer la porte derrière toi. 
—Je le pensais aussi... Avant que tu me trahisses.

Un long silence s'installe. La mère de Louisa reste muette mais sa respiration imprègne le micro du téléphone.

J'ignorais que tu travaillais avec le gouvernement, continue Louisa.
Je ne travaille pas avec le gouvernement, répond sa mère lasse.
Alors pourquoi tu as donné l'information de mon rendez-vous à Marseille au lieutenant Bérard ?
—Je n'ai rien fait.

Louisa se redresse de sa chaise vigoureusement et propulse sa cigarette au loin.

Merde maman ! Je ne l'ai dit qu'à toi ! Tu étais la seule personne étrangère à ALLOS qui connaissait cette information !
—Si tu me demande des excuses, je ne le ferai pas ! C'était pour ton bien Louisa, crois-le ou non.
—Mon bien ?! rétorque Louisa ulcérée. En permanence, tu me parles de mes décisions, de mes choix ! Et les tiens alors ?! Hélène risque de mourir part ta faute !
—Cette psychopathe qui t'a enrôlé dans cette secte de la drogue ? Je devrai m'en féliciter !

Ces mots pénètrent Louisa comme une flèche empoisonnée en plein coeur. Sa poigne se resserre autour du téléphone tandis qu'elle prend une profonde inspiration. Son regard pointé vers le ciel étoilé, Louisa tente de contrôler sa pulsion de colère pour retrouver ses esprits.

Comment peux-tu dire une telle chose ..? Tu me sors des grandes leçons de morale digne d'une sœur catholique mais tu ne t'en veux pas de provoquer la mort d'une personne ?! Tu n'es que contradiction maman et j'en ai assez ! Jamais je t'aurai pensé capable de me trahir !
—Te trahir... tu parles comme une baronne de la drogue...
—Parce-que j'en suis une ! Et aujourd'hui, même si les temps sont durs, je suis fier d'être la dirigeante du plus puissant cartel d'Europe ! Je suis fier d'être la putain de Reine d'Europe avec des enflures d'homme d'affaire qui viennent littéralement me bouffer entre les doigts ! Tu penses que je regrette ma vie précédente ?! C'est faux !

Louisa se laisse surmonter par ses émotions de vive-voix. Aux abords de la tanière, seul le son de sa colère résonne dans le terrain abandonné. Même les grillons se turent.

Je haïssais ce qu'on était devenus ! Notre vie était un calvaire et j'ai décidé de prendre une autre voie ! Del-Orti m'a offert le pouvoir ! Et merde maman, je l'ai accepté volontiers !
—Une décision égoïste ! Ton père te cracherai à la figure !

Cette parole fend Louisa en deux.
Sa gorge se resserre... Sa mâchoire se contracte... Ses yeux s'embrument de rage...

Je t'interdit de dire une telle chose... dit Louisa qui peine à retenir ses larmes. Si je suis là, c'est pour papa ! J'ai choisi de reprendre ALLOS pour obtenir des réponses sur sa mort ! Et je les aurais... Je ne me cacherai pas avec ma lâcheté comme toi !
—Louisa... il n'est pas trop tard. Rends toi à la police et finissons-en avec cette histoire... Pense à ton frère, tes choix l'impacte lui aussi. S'il te plait Louisa... Sois raisonnable.

Louisa essuie ses yeux perlés. Son regard fixe la voute céleste au-dessus d'elle tandis qu'une légère brise caresse son visage.
En cet instant précis, comme si le temps lui-même le lui disait, Louisa veut en finir.

Non maman. Mon choix est fait. ALLOS est ma vie et si tu n'acceptes pas ma décision alors on en a fini. Considère moi comme morte. Je ne t'appellerai plus, je n'essaierai plus d'entrer en contact avec toi, je ne t'enverrai plus d'argent et je n'embarrasserai plus ton quotidien. Quant à Jules, il est grand pour faire ses propres choix. Laisse le choisir. Sur ce, adieu maman.
—Attend Louisa, je...
—Adieu. 

Louisa coupe le téléphone. Comme en état de choc, elle reste statique et fixe son écran. La respiration saccadée, les oreilles sifflantes, les mains tremblantes... Louisa sait qu'elle vient définitivement de briser sa famille. Soudain, prise d'une rage fulgurante, elle fracasse son téléphone contre le sol et pousse un puissant hurlement.

AAAAH !! FAIS CHIER !!!!

Son cri détonne. Même le ciel semble vibrer sous la puissance de sa rage. Louisa se couche sur le bitume froid, comme vidée par cette conversation.
Les étoiles baignent son regard lorsque la tête de Julien apparaît discrètement.

Eh... j'ai tout entendu... ça va ?

À LA TÊTE DU CARTEL : IIHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin