Chapitre 34 - La sagesse

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Au cœur d'une vaste zone industrielle complètement abandonnée du nord de la France, les anciennes usines datant de la révolution industrielle s'étendent à perte de vue. Les murs en briques rouges, les chemins pavés parsemés de mauvaises herbes, les corbeaux noirs qui rugissent comme dans les films d'horreur et positionnés par milliers sur les toits des entreprises tels des gargouilles au creux d'une cathédrale... L'ambiance est totalement lugubre et le ciel grisâtre de cette matinée automnale n'arrange pas la situation.
Un 4x4 noir traverse à pleine vitesse la zone industrielle puis s'arrête devant l'entrée d'un grand hangar délabré. Lorsque Henrique Tavares ouvre une porte rouillée semblable à celle d'un bunker des années 40, Louisa s'extirpe seule de son véhicule.

—Te voilà, dit-il avec sérieux. Ton appel m'a surpri, que se passe-t-il ?
—J'ai besoin de mes alliés, la Norway Arctic nous a attaqué hier soir et ma collaboratrice a été enlevée... ou pire...
—Bon sang ! Quelle bande de petites putes ! scande Henrique en serrant les dents. Suit moi, on va tenter d'arranger ça.

En passant la porte métallique, les deux collaborateurs pénètrent dans un vaste laboratoire de conditionnement de cocaïne. Louisa est surprise d'apercevoir une vingtaine de personnes, en sous vêtements, en train de s'atteler avec précaution à l'empaquetage de la cocaïne. Comme dans une entreprise banale, les employés à la chaîne sont alignés le long d'une grande table métallique sur laquelle trône des milliers de sachets de poudre blanche.

Pourquoi toutes ces personnes sont en sous-vêtements ? marmonne Louisa en suivant Henrique.

Au-delà de leur apparence, la jeune dirigeante de ALLOS est interloquée par le profil très divers des personnes travaillant pour Henrique. Des adolescents, des jeunes adultes, tant des hommes que des femmes et même des personnes âgées.

Pour éviter les vols, répond froidement Henrique. Pas de pantalon, pas de poche.
—Et bien... tu penses à tout. Tu commences à monter des entreprises en Europe ? Pourquoi tu m'as rien dit ?

Henrique ouvre la porte de son bureau.

Toi aussi, tu gères ton business comme bon te semble. Je ne pense pas que j'ai l'obligation de tout te dire. Si ?

Louisa soupire.

C'est vrai... Les secrets, toujours les secrets...
—Si ça peut te rassurer, le plus gros de ma production se trouve au Mexique. J'aurai toujours besoin d'ALLOS pour livrer mes marchandises.

Louisa sourit légèrement, toujours réconfortée par cet étonnant individu qu'est Henrique. Dangereux, impitoyable, un caractère hérité de son enfance dans les rues de Reynosa... mais aussi un homme fidèle et loyal envers ses alliés. Louisa apprécie sa personnalité et surtout sa fidélité dans ce monde de la drogue, où la confiance semble être un concept disparu.

Ça me rassure. Bon ! Maintenant on fait quoi ? Je veux la tête de cette Oléana au bout d'un pic !
—Carrément ?
—Oh que oui ! Et comme dans ma série préférée, j'arpenterai les rues de Paris avec sa tête au bout de mon bras en hurlant : HONTE À TOI !
—J'ai pas vu cette série mais tu me donnes envie de la regarder, répond Henrique en souriant. Je vois le concept mais malheuresement nous sommes dans la réalité Louisa.

Louisa fronce les sourcils.

Et toi Henrique, que ferais-tu à ma place ?
—Pour l'instant, tu dois rester tranquille Louisa. ALLOS doit continuer comme si rien ne s'était passé et surtout... tu ne contre-attaque pas !
—Comment ça ?! réplique Louisa avec fureur.
Pas tout de suite du moins. Je vais négocier avec Ajay, le chef de la réunion des cartels, et lui dire concrètement ce que je pense de la Norway Arctic. Si la Norway désire rester dans le cercle restreint des cartels, elle devra obéir et même se soumettre à nos décisions !

Louisa reste perplexe. Pendant son entraînement dans la vallée d'ALLOS, Hélène lui a répété des centaines de fois : « Il faut toujours contre-attaquer ! Pour son honneur mais surtout pour montrer notre force à nos futurs adversaires car il y aura toujours de nouveaux ennemis ! »
Le plan d'Henrique ne lui convient pas.

Non Henrique. Ajay est rentré dans les rangs de la Norway ! À la réunion du Cameroun, il bouffait clairement dans la main d'Oléana ! Tout comme les italiens et les japonais ! Tous savent que derrière elle, il y a le puissant homme d'affaire Rof Thörsen !  
—Mais si moi-même, Zaklov et les deux canadiennes nous mettons dans le jeu, sa changera les choses ! Fais moi confiance Louisa.
—Bizarrement, je n'avais pas choisi la négociation pour répondre aux attaques des Balaz !
—Oui mais tu étais la seule à les affronter. Tu as des alliés maintenant et tes alliés ne veulent pas forcément entrer en guerre à chaque mésentente... Louisa, ce métier est fait de violence mais aussi de diplomatie... Reste tranquille s'il te plait.

Louisa souffle vivement.

Je déteste quand tu es raisonnable Henrique ! Vraiment !
—Ahaha c'est l'âge ma chère Louisa... La maturité, l'expérience, la sagesse...
—Sa craint la sagesse ! Ma collaboratrice est aussi mon amie ! Je ne veux pas la perdre !

Henrique apporte un martini à Louisa et s'empresse de lui allumer une cigarette.

Tu sais... je m'en voudrai toute ma vie si ma collaboratrice venait à mourir... Je n'accepterai pas la mort de l'un des miens.

Le regard de Louisa s'obscurcit.

Jamais... finit-elle et finissant d'une seule gorgée son martini frappé.
Je comprends... mais pour l'instant tu devrais quitter Paris et attendre mes instructions après mon entrevue avec Ajay.
—Hm... très bien... répond Louisa lasse.

À LA TÊTE DU CARTEL : IIOnde histórias criam vida. Descubra agora