6. Une Visite Imprévue

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Oh ! un argument pour autoriser notre conduite ! Un sophisme, une argutie à attraper le diable !

William Shakespeare, Œuvres complètes (1959)


Le crépitement du feu est un bruit que je trouve fascinant. Je me demande comment cela est possible qu'une chose aussi solide que le bois peut se consumer en cendres, passer d'un poids important à une simple poussière aussi légère que le vent.

Le jour entre par la fenêtre de la cuisine et m'éclaire en cette heure matinale. Je me suis déjà mise à la cuisine, puisque oui, je ne veux pas perdre de temps pour la suite.

Notre cuisinière marche par "Combustion", c'est le nom de ce modèle. Ne me demandez pas pourquoi, je ne saurai vous répondre, tout comme toutes les personnes de cette ville. A mon avis, seul l'inventeur de cet objet le sait. Cet objet qui est vite devenu indispensable à notre quotidien. Il suffit de placer du bois dans la cage en fer qui se trouve à l'intérieur. Normalement, il reste toujours des braises de la veille, que je fais repartir grâce à de simples feuilles mortes. Au fond de ce cube de fer se trouvent deux petits tubes qui rejoignent l'extérieur. L'un, vers le bas, fait rentrer de l'air, je ne sais pourquoi, alors que l'autre, en hauteur, fait sortir la fumée. La chaleur produite par ce feu va faire chauffer les parois en fer qui l'entoure, ainsi que la plaque qui se trouve en surface de la cuisinière. Tout cela je les appris grâce à Matt qui a suivi une formation par le Cadet. Dans notre société il y a des dirigeants, qui ensemble, forment Le Conseil. Le Conseil est principalement constitué d'un représentant de chaque obligation qu'ils se doivent d'accomplir ou d'acquérir, comme l'art de Bâtir, l'art de Protéger et de Défendre ou encore l'art de Nourrir et Eduquer. Mais, dans Le Conseil il existe bien évidement les deux dirigeants qui exercent le plus de pouvoir sur tous les sujets existants. L'Aîné est le plus important, il est celui qui prendra la décision finale, dans tous les cas. Il est présent durant toutes les réunions et s'assure qu'aucun citoyen ne viole les règles établit pour maintenir l'ordre et la paix. Alors que le Cadet, lui, n'est que rarement présent en public. Il est le seul à connaître toutes les mémoires de nos ancêtres, toutes les inventions passées. Il s'assure que rien ne soit plongé dans l'oubli et que le gouvernement ne refasse pas les mêmes erreurs que les hommes ont pu faire dans L'Ancien Temps. Enfin, tout cela n'est autre que ce qu'ils nous disent, mais savons-nous réellement la vérité ? Le Cadet possède-t-il véritablement toute la connaissance que les humains ont pu acquérir jusque-là ? Nous ne le saurons jamais.

Mes légumes ont fini de cuir. Je soulève la poêle de cette plaque métallique brûlante et la dépose à côté, sur le plan de travail recouvert de carreaux en pierre. J'attrape une assiette et y dépose les aliments accompagnés de viande séchée. Je place ensuite cette assiette dans une petite boîte, pour ne pas que la nourriture ne s'abîme le temps que l'heure du repas ne vienne.

Je m'assois sur le canapé avec en mains un de nos livres, aussi peu soient-ils. J'ai, certes, plus de mal à lire que Matt, mais avec un peu d'effort j'y arrive bien. J'ai de la chance que Matt m'ait appris à lire et à écrire à l'époque où lui l'apprenait à l'école. Puisque même si je me suis rouillée avec le temps, j'ai eu cette chance de pouvoir me documenter et me divertir dans divers ouvrages. Les femmes, n'ayant pas le droit aux mêmes apprentissages que les hommes, sont forcées de croire tout ce que l'on leur raconte. Alors que moi, je peux lire et connaître des choses de mon libre arbitre, même si nos ouvrages sont assez limités, j'ai cette possibilité.

J'entends Matt descendre les marches d'escaliers quatre-à-quatre. Il passe en coup de vent à côté de moi, en me donnant au passage un baiser sur la joue en me souhaitant une bonne journée et en me disant "Désolé, mais je suis vraiment en retard".

En effet, je n'ai pas le droit d'avoir un métier, mais au moins je ne connais ce stress d'être en retard quelque part. Quoiqu'en fait, est-ce une bonne chose de ne pas en connaître une autre ? 

Tellement de questions sans réponses tourbillonnent dans mon esprit que des fois, je me demande si je ne suis pas toujours une petite enfant inconsciente et sans réelles connaissances de ce monde dans lequel nous vivons chaque jour. Je déteste ce sentiment d'ignorance.

Je ferme mon livre et le pose dans le meuble se trouvant devant le canapé. Ce meuble constitué de plusieurs cases ouvertes, pour celles du haut, et fermées pour celles du bas, sert à entreposer plusieurs sortes d'objets comme de la vaisselle, des ouvrages, de la paperasse ou encore quelques vieilles affaires de nos géniteurs décédés.

Je monte dans ma chambre pour me changer. J'enfile rapidement ma tenue de guerrière, je m'attache les cheveux à l'aide d'un élastique, puis je descends dans le sous-sol. En passant, je prends la seule pendule que nous avons. Grâce à elle je pourrais savoir dans combien de temps rentre Matt. Comme toutes les femmes, je ne sais pas lire l'heure, cependant, je sais qu'il rentre à la maison pour le repas du midi, et c'est généralement quand les deux aiguilles pointent de plafond. Puis, des fois il repart et revient quand ces deux mêmes aiguilles pointent le sol cette fois-ci.

Je la dépose sur la petite table et commence à courir. Le poids qui se balance dans ce petit objet émet un bruit particulier, et c'est grâce à lui que je sais si je suis régulière ou non dans ce qui concerne mon endurance.

Je m'arrête quand la plus grande barre de la pendule a fait deux tours complets dans le petit cadran. Il faut avouer que cet objet est très pratique, et il doit l'être encore plus pour les gens qui savent lire l'heure je suppose.

Je me dépense du mieux que je le peux. Je frappe, je cogne, je roule, je lance et je poignarde. Ma gorge est sèche et l'envie de boire est tentante. Mais je n'en fais rien, puisque qui dit entraînement, dit : sport, vigilance, précision, souplesse, concentration, force, confiance, mais aussi savoir faire face à la faim, la soif et la douleur sans faillir.

Quand l'heure, où mon meilleur ami doit revenir, arrive je m'immobilise enfin. Une pause s'impose, comme l'on dit. J'aimerai que cette fois-ci Matt puisse m'enseigner de nouveaux mouvements, pour me perfectionner. Enfin, si il ne retourne pas au quartier général cette après-midi. Ces temps-ci je m'entraîne souvent seule, certes j'ai plus d'espaces, mais notre duo commence à légèrement me manquer. J'aime la solitude, ce n'est pas quelque chose que je redoute, cependant, depuis que Matt m'a reparler d'Ashur, je ne cesse de penser à que se passerait-il si lui aussi m'abandonnait. Et à cause de toutes ses pensées insensées, je commence à doucement ressentir cet abandon à travers notre éloignement en ce qui concerne les combats.

En haut, j'entends une porte claquée, cela doit être lui. Je regarde quelques instants la pendule. J'hausse les épaules, je reviendrai la chercher plus tard. Je replace mes couteaux dans mon Holster et mon épée à lame courte dans mon harnais.

GuerrièreOnde histórias criam vida. Descubra agora