14. Froides Retrouvailles (part. 3)

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Je marche à ses côtés en me calant sur son rythme. C'est vrai il doit très bien connaître les environs. Il y vient assez souvent puisqu'il est sergent – il l'était. Lorsque l'on devient un guerrier, on commence en s'entraînant chaque jour très tôt jusqu'à tard. Ils appliquent la théorie qu'ils ont appris les années précédentes. Puis, lorsqu'ils sont jugés prêts, ils entrent sur le terrain et peuvent monter en grades au fils du temps. Mon père était un général, le plus haut grade, juste en-dessous de Tirihon – le membre du Conseil chargé du devoir 'Défendre'. Autant vous dire qu'avec lui à la maison – même pour le peu de temps qu'il y passait, il nous enseignait beaucoup à Matt et moi. Quand Matt a eu seize ans, il y a plus de 6 mois, après avoir passé sa cérémonie il a rapidement gravi les échelons. Il est entré sur le terrain le mois suivant.

A côté de moi, Matt accélère le pas. Normalement, on est sensé courir et non marcher. Il faut toujours être en mouvement.

- Avant cela, tu ne voudrais pas qu'on mange quelque chose ?

D'accord je m'habitue peu à peu à cette sensation de faim, mais je deviens aussi plus faible. Il ne ralentit pas mais me dit de prendre deux carottes dans son sac. J'essaie tant bien que mal de défaire les lacets de son sac.

- Tu pourrais t'arrêter s'il te plaît. Seulement quelques instants, parce que là je ne vais pas y arriver sinon, je souffle.

Il coupe tout mouvement en freinant d'un seul coup. Il soupire d'exaspération. Je l'ouvre sans difficulté et prends les deux légumes, j'en donne un à Matt. Il a dû en rajouter un avant de partir.

- Dépêche-toi, tu serais gentille.

Il commence vraiment à m'agacer avec ses remarques. Je ferme brutalement son sac et me mets à courir. Il me rattrape. Nous allons à la même allure. Nous ne nous éloignons pas de la rivière, évitant des arbres et buissons au passage. Tout en faisant cela, je mords dans ma nourriture. Ce n'est qu'une carotte, mais elle me semble tellement délicieuse. Je la mange en peu de temps. Je ne suis pas rassasiée, mais c'est un bon début.

Cela fait un long moment que nous n'avons pas fait de pause. Le soleil est bien haut. Nous sommes certainement en plein milieu d'après-midi.

- Je vais boire, j'annonce à Matt en changeant de trajectoire.

Je m'approche de la rivière et y plonge mes mains brûlantes. Je me désaltère avec modération. Je n'ai pas envie de sentir l'eau ballotter dans mon ventre durant le reste du trajet. Puis, je garde mes mains et mes bras sous l'eau glacée. J'ai chaud. Je reprends mon souffle et je crois que mon cœur va exploser. Je me pensais meilleure en endurance. Mais il est vrai que plusieurs tours de cadrant d'horloge ne valent pas plus d'une demie journée de course. Je mouille mon front et me relève. Nous avons déjà la chance d'être couvert par les arbres et non en plein cagnard. Matt finit de boire et nous reprenons. Apparemment nous sommes – les humains – l'espèce la plus forte sur la course d'endurance. Je ne sais pas ce qu'il en est des créatures, puisque cette affirmation avait été faite lors de l'Ancien Temps où les créatures n'existaient déjà.

Dans mes pensées, je trébuche sur un caillou mais me rattrape à temps.

- Fais attention !

- Comme si je l'avais fait exprès ! je lui réponds sur le même ton en reprenant mon rythme.

Je souffle bruyamment et me concentre. Mes pieds martèlent le sol. Mon cœur bat la chamade. Ma respiration est rapide mais régulière. J'essaie de mieux soulever mes talons. J'imagine la décomposition de mes mouvements au pas de course. Je tente de les améliorer. Je les rends plus fluides. Et ils s'enchaînent. Encore et encore.

Peu à peu, je replonge dans mes pensées.

GuerrièreWhere stories live. Discover now