17. Du Sang sur les Mains (part. 3)

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L'eau chaude coule sur mon corps endolori. Je ferme les yeux. Je ne veux pas voir la couleur rougeoyante qu'elle a prise.

- Ça va ? me demande une petite femme.

Elle n'est pas grande, mais a un fort caractère. Le sergent Tahasym m'a fait traverser la ville jusqu'à elle. Puis, elle m'a plongé dans une grande baignoire en bois. Avec une éponge, elle me frotte énergiquement le crâne ainsi que mes cheveux. Puis vient le tour de mon corps. Elle me nettoie le visage, puis les bras. J'ouvre les yeux et me recule brusquement lorsqu'elle frotte mon biceps entailler.

- Doucement !

- Il faudra réparer ça.

Je souffle et elle continue. Lorsqu'elle laisse s'échapper l'eau de cette baignoire, je pensais me sentir soulagée. Je pensais que dès que le sang partirait tout irait mieux. Mais même lorsque je suis propre comme un sou neuf, quand je regarde mes mains j'y vois encore le sang pourpre de mon meilleur ami. J'aimerai partir le rejoindre, voir comment son état a évolué mais cette femme ne veut pas me lâcher.

Elle me fait entrer dans une nouvelle pièce où se trouve un grand placard multi-couleur. Cela sent le neuf. Elle l'ouvre et me sort une longue robe avec des pans d'une étoffe rose pâle.

- Il n'est pas question que j'enfile cela, j'annonce d'un ton sans appel.

Elle me regarde en haussant les épaules. Elle me propose quelques autres robes que je refuse. Puis, ayant enfin compris le message, elle me sort un pantalon fluide et un débardeur près du corps. Je le porte plutôt bien. Qu'est-ce que c'est agréable d'être dans des habits propres. Elle me donne également de nouvelles chaussures et un manteau d'une matière que je ne connais pas.

- C'est du jean. C'est une toile faite en denim, tissée très serrée pour qu'elle soit rigide.

J'aime bien, même si cela fait bizarre. Je ne le porte pas tout de suite pour deux raisons : Premièrement, il me ferait mal à mon biceps. Deuxièmement, il fait bon et je n'ai pas froid.

- Où est l'hôpital ?

- On ne va pas aller à l'hôpital pour cette petite blessure, annonce-t-elle en levant les yeux au ciel.

- Bien sûr que si. Je veux voir Matt.

- Ça c'est une autre histoire ma petite. Tu ne peux pas aller voir n'importe qui dans un hôpital surtout si son état est si grave, déclare-t-elle d'un ton blasé – suite à mon regard suspicieux elle reprend. Tu n'as pas vu ta tête, on dirait un zombi.

- Qu'est-ce qu'un zombi ?

Elle secoue la tête. Je me languis d'aller à cette école. Après cela, j'arrêterai de passer pour la débile de service qui ne connaît rien. J'en ai assez de cela. Je regarde autour de moi. C'est étrange, dans cette ville il y a des panneaux. Je les étudie et déchiffre les directions. Caserne – non. Bibliothèque – non plus. Fleuriste – pas intéressant. Hospital – oui !

Sans demander mon reste, je file dans cette voie. La femme m'appelle une fois mais ne prend pas la peine de me suivre. Je suis les pancartes jusqu'à tomber sur un grand bâtiment bleu. Les écriteaux au-dessus de la porte m'indique que je suis au bon endroit. J'entre. Je me dirige vers l'accueil. Je donne le nom de Matt. L'homme derrière le comptoir me dit que je ne peux lui rendre visite. Ils m'agacent tous ! Ils ne m'empêcheront pas de le voir, non mais pour qui se prennent-ils !

- Je ne veux pas le voir. J'aimerai seulement savoir dans quelle chambre il se situe, je minaude d'une voix sincère mais il n'a pas l'air convaincu. S'il vous plaît, de toute manière là je n'ai pas le temps de rester – je fais semblant de lire l'heure avec l'expression pressée que j'ai si souvent observée – il faut que j'aille à la bibliothèque, mais cela me rassurerait beaucoup de savoir où il se trouve, je termine avec une expression suppliante.

Il ne répond pas au début. Puis lorsque je regarde l'heure en tapotant sur le comptoir à la manière d'un tic de stress, il me souffle un numéro. Merde ! Je ne sais pas à quoi cela correspond !

- Tiens, prends-le et parts si cela peut te calmer, me souffle-t-il en me donnant un papier sur lequel sont inscrits des symboles.

Je le remercie et fais style de partir. Je regarde les panneaux. Je lis la signification de chaque étage. Puis brusquement, je cours sur le côté et monte les escaliers quatre à quatre. Il m'appelle. Il me court après, puis à la moitié de l'escalier il abandonne.

Je suis au premier étage. Aucun symbole ne correspond. Je monte d'autres escaliers. Toujours rien. Encore un étage. Ce n'est pas mieux. Je monte encore et encore mais toujours rien. J'ai perdu un temps fou. Le soleil commence à se lever. Je ne sens pas la fatigue grâce à l'adrénaline. Je monte encore. Il ne reste plus qu'un étage. Ce doit être le bâtiment le plus haut de la ville. Enfin, j'espère pour les habitants ou alors ils ont un très bon cardio. Le dernier étage est réservé aux urgences, j'espère ne pas avoir à y aller, ce serait mauvais signe. Mais aucun symbole ou chiffre ne correspond. Je gravie les dernières marches du bâtiment. Je regarde chaque porte. Je suis à la moitié du couloir. Rien. Peut-être m'a-t-il donné un faut numéro et qu'il rit encore de sa blague. J'avance encore. J'ai peu. Je suis effrayée. Mais je ne sais pourquoi. Peut-être de savoir que ce n'était pas un rêve et bel et bien la réalité. Je regarde mes mains. Ma respiration s'accélère. Je relève la tête et continue avant de faire une fois de plus une crise d'angoisse.

Un nombre semble ressembler mais je ne suis pas sûre. Il y a une petite différence. Je décide d'ouvrir tout de même la porte, on verra bien. Devant moi, une personne est allongée sur un lit en fer bordée d'une couverture veloutée. Je m'approche doucement. Il a une compresse sur le front. Je le reconnais. C'est bien lui. Je soulève la couverture et la retrousse à ces pieds. Je retiens un cri d'effroi. Un bandage lui encercle le torse. Elle n'est pas tâchée de sang. Elle baigne dedans. Je pose mes mains avec hésitation sur sa joue. Elle est brûlante. Soudain, la porte s'ouvre. Je fais un bond en arrière de surprise. Un homme entre, calmement. Je m'attends à ce qu'il me mette dehors mais non. Il fait le tour du lit et s'assoit sur une chaise que je n'avais pas vue.

- Ce n'est pas une image qu'on voudrait garder, hein ?

Je m'approche du lit et l'observe. Mon visage est contracté, je le sens.

- Est-ce qu'il va y passer ?

- La vraie question est : est-ce que je dois te mentir ou pas ?

Ça veut tout dire, il me semble. Bizarrement, je ne suis pas surprise. Mais je n'arrive pas à réaliser. Puisque si je réalise, cela fera trop mal et je ne peux le supporter.

- Non, je veux la vérité. Le mensonge est un fléau qui ne devrait même pas exister.

- Pourtant il est parfois nécessaire, pense-t-il à voix haute.


GuerrièreWhere stories live. Discover now